Cette nuit, j’ai rêvé que je regardais un bateau entrer dans un port. Je me trouvais dans un quartier résidentiel, sur une butte, dans une ville de Grèce qui m’était familière même si je ne sais pas laquelle c’est, et je regardais le ferry à l’arrêt dans la rade. La mer était bleu profond, il faisait beau, c’était un matin doux de printemps. Je ne crois pas que j’attendais quelqu’un qui se trouvait à bord du navire, mais j’attendais quelque chose ; je ne sais quoi. Quand, soudain, le bateau a explosé. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé ensuite, mais plus tard, je me retrouvai à devoir expliquer à des hommes qui m’accusaient de quelque chose qui n’était pas clair comment les événements s’étaient déroulés. Or, comme ils refusaient de me croire, je décidai de repasser le film à l’envers pour revenir au moment de l’explosion et le leur montrer. Sur les images en caméra subjective, on voyait la ville défiler, à pied, on montait dans un ascenseur pour regagner la butte, jusqu’au moment, difficile à atteindre à cause des hommes qui me pressaient, mais précis de l’explosion, que l’on revoyait de nouveau. Ce qu’il y avait d’étonnant dans ces images, c’est que, si c’étaient des images à l’envers du rêve (le film à rebours du rêve), les images n’étaient pas à l’envers : je remontais dans le rêve en leur montrant le film du rêve, mais je remontais dans le bon sens, à l’endroit, comme si je partais de l’endroit où je me trouvais pour retourner à l’endroit d’où j’avais vu l’explosion, ce qui était censé prouver quelque chose, mon innocence, probablement, dans l’espace, certes, mais aussi dans le temps, et non comme quand on fait défiler les images à l’envers d’un film, où ce que l’on voit, c’est ce qu’on a déjà vu, mais dans l’autre sens. Je ne rembobinais pas le film, je faisais le trajet en sens inverse — mais quel trajet ? Je partais de là où j’étais (mais où ? dans un commissariat ? dans un bureau clandestin des services secrets ?) pour revenir où j’étais. De fait, je n’ai pas le souvenir d’avoir vu le film de mon rêve à l’endroit (à l’exception de la scène inaugurale de l’explosion), mais simplement à l’envers, ou plutôt à l’endroit de l’envers et pas à l’envers de l’endroit. Après, quand j’ai ouvert les volets, ce matin, le ciel était gris. Maintenant, il pleut. Je suis allé courir, tourné en rond comme un con, au cours de mes tours, j’ai croisé un scooter qui avait brûlé, non loin de là où je vis (où pourrais-je bien aller ?), on pouvait voir un certain nombre de cadavres de joints, juste à côté, je me suis dit que c’était ça, la vie, se défoncer, cramer des trucs et puis aller se coucher. Y a-t-il une bonne raison d’aimer l’humanité ? Sans doute, oui, au moins une, mais certains jours, on ne voit pas forcément laquelle. Est-il étonnant, dès lors, qu’on préfère les rêves à la réalité ?
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