1.4.21

Combien de colère peut-on contenir et pendant combien de temps avant que le contenant explose ou qu’il s’autodétruise ? Cancer de la raison. Est-ce pour un motif de ce genre que je suis obsédé par la mort en ce moment, guettant les moindres borborygmes de mon corps pour y déceler des symptômes qui seraient autant d’assurances d’une mort douloureuse et prochaine ? À l’affût de tout, c’est-à-dire, en toute logique, de n’importe quoi. La chose assaillie se replie sur elle-même et contemple son propre dépérissement. Au fil des choses, j’ai fini par relire les rares mots hâtifs, avares mais bavards, que quelqu’un avait cru bon de consacrer à mes Monstres littéraires, mots qui m’ont profondément blessé sans que je sache très bien si c’est parce que je ne supporte pas que l’on ne m’admire pas inconditionnellement (ou alors qu’on me haïsse avec la même détermination) ou parce qu’ils sont paresseux, banals et paresseux. La vraie question que je devrais me poser n’est pas celle-là, toutefois, mais celle de savoir pourquoi je m’inflige ce traitement automasochiste, qui ne me procure pas, c’est un comble, le moindre plaisir alors que, je le sais très bien, personne ne sort plus de la bulle hermétique de sa conception des choses. Plutôt que de se gaspiller à s’observer les uns les autres, mieux vaut briser le cercle de l’infinie tautologie. Comme le sourire radieux de ma fille parce qu’aujourd’hui, c’est le carnaval à l’école. Qu’elle se déguise, qu’il fait beau, qu’elle est heureuse. Au milieu de toute la bêtise, de toute l’angoisse que l’on se fait dégouliner sur l’être parce qu’on ne sait pas jouir autrement que dans cette comédie absurde d’une société inconsciente du néant qui la consume, malgré toutes les stratégies, les manœuvres de basse politique dont les individus sont les objets qui s’ignorent, je peux regarder ma fille et trouver que, vu de cet angle-là, alors que de tous les autres ou presque, il ne l’est pas, vu depuis ma fille, le monde est beau. Et plains, sans mépris ni pitié, qui ne connaît pas ce bonheur.