5.4.21

Le bruit de la machine à laver qui achève son cycle d’essorage ne gâche pas le silence. Tandis qu’une voix, agaçante ou non, le ferait dans l’ombre sans doute. Le silence de la machine est une présence paradoxale. Alors même qu’il n’y a personne, on se sent moins seul. Pas âme qui vive. Quelque chose fonctionne. Assurance mécanique contre la peur panique. La voix, elle, ne dérangerait-elle pas quelque chose qu’on se serait efforcé de mettre en place ? L’organisation du vide. L’artifice du calme. Cette tranquillité factice. Je ne compte pas les voiles qui flottent au-dessus des toits, là-bas en bas, face à la mer, mais je sais qu’elles sont là. Aux rituels absurdes succèdent les rituels absurdes. Le drame n’est pas l’effondrement de la civilisation, pas la fin du monde, mais qu’on puisse vivre malgré tout. La force aveugle qui anime les êtres malgré eux, cette puissance informe qui les met en mouvement qu’ils le veuillent ou non. Comme un élan qu’on n’arrête pas. À l’angle de cet espace incompréhensible où sont échouées des pierres folles, des tiges cloutées, débris d’un antique chantier, des cadavres d’oiseaux qui excitent leurs frères de mer, une population de lichens d’un jaune rouge tirant sur le marron. Même d’où l’on s’acharne à l’exclure : de la vie, toujours de la vie. Un chien aboie, pleur qu’on ne dirait pas humain, mais émeut quand même. La machine est terminée. Qu’elle est étrange, cette existence.