Sujet d’étude : l’influence décisive d’Élie Faure sur Jean-Luc Godard, qui envahit l’écran dans les Histoire(s) du cinéma, au point que Godard reprend les tableaux mêmes qui figurent dans l’Histoire de l’art de Faure, comme cette Leçon d’anatomie du docteur Deijman de Rembrandt. À confirmer avec la lecture de L’esprit des formes, dont les images sont un montage qui pourrait être tout à fait semblable à celui qu’opère Godard. Revu hier, c’est là que je voulais en venir, les deux parties du premier chapitre des Histoire(s) du cinéma, dans le noir, casque sur les oreilles, face à mon petit écran d’ordinateur. Après avoir vu ces images-là, impossible d’en voir d’autres : elles changent jusqu’au fond de la perception. Nous sommes si habitués à voir de mauvaises images, que les bonnes, quand nous les regardons, nous éblouissent. Même phénomène pour les phrases. Si l’on se contentait de lire ce qui se publie au quotidien dans les journaux, sur les réseaux sociaux, on ne comprendrait rien, par exemple, en ouvrant un exemplaire d’À la recherche du temps perdu. Ce serait du charabia (alors même que le charabia, ce sont ces signes infâmes et obscènes qui nous violentent à longueur de journées). Le sens ne se perd pas tant, il n’est pas tant en crise qu’il n’est recouvert par des habitudes de consommation qui nous étourdissent, nous aveuglent, nous abrutissent. Et le prétendu besoin de divertissement des masses accablées par le travail n’est pas un argument qui tienne : si j’ai besoin de repos, je ferme les yeux. Mais les mauvaises images ont un pouvoir hypnotique que les bonnes n’ont pas : je peux m’abandonner devant la nullité, qui prend dès lors possession de moi, je me demande mais pourquoi est-ce que je regarde ça ? et, sachant cependant que c’est mauvais, ne puis pas m’en empêcher. Le pouvoir des bonnes images (la distinction est certes un peu grossière, mais elle a le mérite d’être claire) n’est pas une emprise, il est le nôtre. C’est tout autre chose : je ne suis pas l’objet des bonnes images, plus qu’elles n’agissent sur moi, j’agis à travers elles.

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