18.6.21

Quelle joie de n’être plus au courant. Phrase qui ne doit pas être entendue comme un plaidoyer pour l’ignorance, une hagiographie des simples d’esprit, l’apologie de l’imbécilité, non, rien que comme l’effet de la distance qui s’installe en quelques jours à peine entre ce que le monde social met en exergue et soi. Ce petit moi qui peut-être n’existe pas, ce ridicule homoncule. Ce petit moi qui ne semble rien et, pourtant, est tout. Les sujets qui font l’actualité et, la faisant, occupent l’espace mental, tous ces sujets paraissent si lointains désormais : on croit deviner encore des silhouettes dans un coin de l’esprit, mais c’est si vague qu’on ne sait pas très bien de qui ni de quoi il s’agit. Bill et Melinda Gates sont-ils des stars de la téléréalité et Rihanna, une religieuse ? En vérité, qui voudrait le dire ? Les révoltes semblent dérisoires, les drames risibles, les aventures banales. Comment, nous exclamons-nous en notre for intérieur, il se trouve encore des gens pour s’intéresser à cela, mais c’était quoi cela déjà ? Un match de foot, un attentat, une catastrophe industrielle, une campagne électorale, une tragédie grecque, une prouesse technique, la fête des femmes, un opéra, une émeute ? À qui pourrait savoir, je n’ai nulle envie de parler. La dernière chose dont je me souvienne, c’est une publicité vue sur le téléphone portable de Nelly, une publicité pour un livre de Marc Lévy, lequel prétendait mettre en scène un groupe de hackers qui font le bien. Avec BIEN écrit en gros. Qui pourrait regretter ce monde disparu ? Qui pourrait affirmer sans craindre de contrefaire la vérité que ce monde soit pourvu du moindre intérêt, qu’il mérite qu’on y pense, y accorde une quelconque importance ? Non que ce sujet me passionne. Beaucoup moins, en fait, que celui de ma propre joie, de mon sentiment de légèreté. Il fait chaud. Mais ce n’est pas ce que j’ai envie de dire. Je ne me suis pas absenté, c’est le monde social qui me semble plus éloigné que jamais. De son inéducable lourdeur, j’ai pris congé. Comme on congédierait un laquais.