Les gens sont des cons (je simplifie), tel est le problème, mais pas la solution (ce serait trop simple). Nelly et moi, nous discutons longuement au sujet de l’un de nos désaccords (pas sur le fond, sur la forme), qui pourrait se résumer ainsi : faut-il être ou non un justicier moral ? Moi, je ne le pense pas. La discussion dure plusieurs jours, par intermittence, car nous ne faisons pas les choses à moitié. Et soudain, je pense : quand nous avons décidé de faire baptiser Daphné, l’opposition d’une partie de notre famille ne nous a pas fait changer d’avis. Pas plus que les explications que nous avons pu donner pour justifier notre choix (des arguments, quoi) n’ont fait évoluer la position de l’opposition. Tout le monde est resté dans son camp plus ou moins retranché, plus ou moins éclairé. Pour caricaturer, ainsi, on pourrait dire que nous vivons dans une sorte de monadologie sociale sans harmonie préétablie : nous sommes tous enfermés dans nos mondes privés, ne communiquons pas, ne pouvons pas le faire. Mais alors comment se fait-il que nous rencontrions quelqu’un avec qui nous partageons le même sentiment, la même conviction : les gens sont des cons ? Y a-t-il des failles dans les monades, des lézardes par où passe la lumière ? C’est nécessaire. La fissure de la monade, c’est cela l’amour. La société passe son temps à se défendre (la sociologie est l’arme d’autodéfense de la société) contre l’individu. Combat rapproché. Les sentiments sont socialement déterminés, dit-elle. D’ailleurs, tous les comportements le sont. Comme si l’individu représentait une menace pour la société. Un danger. Ce qui est vrai. Mais pourquoi la société, qui est l’incarnation de la force, craint-elle l’individu, lui qui, seul par définition, est l’incarnation de la faiblesse ? La société n’aime pas l’amour ; elle n’aime que ce qu’elle peut déterminer. Elle se représente (parce que, oui, même la société fantasme) comme l’harmonie préétablie de notre monadologie. Et pourtant, ça déraille. Il le faut. Chance de joie.

Vous devez être connecté pour poster un commentaire.