31.12.21

La ville baigne dans une brume presque irréelle, comme nimbée du songe d’une absente divinité. Je marche dans le sable d’une humidité noire où mes pas ont du mal à se frayer un chemin. Je m’enfonce, bifurque sans volonté, emporté par le terrain qui glisse, cherche ma ligne courbe pour éviter l’écume qui vient me lécher les pieds. C’est le dernier jour de l’année, mais je ne sais pas très bien ce que cela veut dire ni quelle différence cela fait, le premier, le dernier ou n’importe lequel. Tous les jours se ressemblent et tous les jours sont différents, et nul ne sait plus comment on faisait pour les discerner, avant, si seulement on savait ou si l’on faisait semblant, avant. Cette nuit, j’ai eu le plus grand mal à m’endormir. Je croyais entendre des voix se parler dans le noir sans savoir si c’était le fait du voisinage ou l’effet de mon imagination. Quand je descends pour sortir, dans les escaliers, ce sont d’autres mégots qui se sont ajoutés aux mégots de cigarettes épars sur les marches, traces dénombrables de tous les joints roulés. Mais je ne le fais pas. Quoi ? Dénombrer. Partout, c’est le même spectacle, d’une hideuse vie de la cité. Du bout de la digue, j’entendais la musique qui provenait de sous le chapiteau du cirque. On se défonce, on fait du bruit, ainsi passe la vie. Je regarde les photographies en noir et blanc que j’ai prises durant ma déambulation et pense à celles que j’ai effacées. Je devrais en tirer une morale, une leçon, quelque chose, mais je ne sais quoi. Tout est tellement simple et si étrange à la fois. Je tourne la tête vers la baie vitrée. La brume s’étend. Ne demeurent perceptibles que de rares cimes d’arbres embaumés et l’enseigne triomphale de l’hypermarché. Partout, c’est le même spectacle, sauf que ce n’est pas un spectacle : c’est la vérité.