Je parcours la ville sans intérêt autre que pour le parcours. Pour aimer, il faudrait que je n’aie jamais vu ce que dissimule le vernis d’illusion dont on badigeonne la ville. Crois-tu qu’il en aille autrement ailleurs ? Ce n’est pas la question, ce n’est pas ce que je dis. Je marche. C’est tout. J’ai chaud. Je transpire. C’est ce dont j’ai besoin après cette nuit trop courte. Bouger. Me faire bouger moi-même. Me sentir bouger. Ne pas dire un mot. Réduire les pensées au strict minimum. Aussi, quand des phrases me viennent, si je ne les écarte pas par ma volonté, je ne les accueille pas non plus, je les laisse aller et venir, ne faisant surtout pas l’effort de les retenir ni de les mémoriser. Je garde le souvenir vague d’une ou deux, qui forme peut-être le début de l’écriture de ce jour, rien de plus. Les choses sont si semblables à elles-mêmes, certains jours, c’en est désespérant. Mais moi, ne suis-je pas semblable à moi-même ? Oui, et alors ? Alors, ne le reproche pas aux autres. Ce n’est pas ce que je dis. Ce n’est pas ce que je fais. C’est ce que je vois. Quand tout se conforme à l’idée que l’on s’en fait, à l’idée que l’on en a, peut-être est-ce qu’on a les idées claires, peut-être est-ce que la réalité est ennuyeuse. Vers quel lemme du dilemme penses-tu que tu tendes ? Je m’arrête. Vais à la salle de bains. Fais couler de l’eau froide sur mes mains et puis les plonge dedans. Coupe, lime, impossible d’écrire quand j’ai les ongles longs (ne serait-ce qu’à peine un peu trop), besoin de sentir le clavier, esthétique de l’écriture. Le fil est rompu, à présent. Ce n’est pas grave. Il n’y en avait pas vraiment. Rien qu’un semblant un peu artificiel d’unité. Qui désire l’unité ? Les choses ne sont-elles pas mieux éparses, flottantes, mouvantes, comme qui, sans l’égratigner, sans en être dupe non plus, se déplace à la surface, à pied sur la pellicule de mensonge qui recouvre l’univers ?

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