seize octobre deux mille vingt-trois

On nous promet l’effet waouh ! et puis qu’avons-nous ? rien du tout. Les mêmes gens qui disent les mêmes choses au sujet des mêmes choses, s’expriment au nom de dieu sait quelle idéologie — la vérité, c’est que dieu lui-même ne veut pas le savoir —, pompeux nom que celui d’idéologie pour le ramassis des idées rassies qu’on ingurgite et puis vomit comme si c’était sainte parole, comme si le monde attendait enfin leur sainte parole. Est-ce trop demander à la vie — ou, du moins, soyons modeste, au monde social —, est-ce trop demander à la vie qu’un peu d’originalité, un peu de nouveauté, un peu d’étonnement ? Rien qu’un peu d’étonnement, une idée, même une idée avec laquelle on n’est pas d’accord, une idée qui brille soudain par son intelligence, qui nous fait nous arrêter un instant et nous demander et après tout…, on aurait envie de la protéger entre nos mains la lueur d’intelligence qui brille soudain, au lieu de quoi, les mêmes rengaines assassines, lamentables, tristes à en pleurer de bêtise. De fait, il ne sert à rien de parler aux gens, on sait d’avance ce qu’ils pensent, et l’on n’est jamais surpris, non. Déçu, le suis-je ? À dire le vrai, je ne sais pas. La question, comme je viens de l’ouvrir, je crois, il ne faut pas la fermer tout de suite, mais lui laisser le temps d’étirer ses membres, comme après la nuit d’un sommeil trop long, trop lourd, le sommeil de la raison. Quelle drôle d’idée, la raison. Qui croit encore à la raison ? Elle n’est plus qu’une petite chose humiliée. Qui croit encore à la vérité ? Elle n’est plus que cette fille vieille et décharnée d’avoir été trop souvent violée. C’est le clan, désormais, qui l’emporte sur la vérité. Et les temps sont tristes pour qui aime la vérité. Oh, je sais, je ne l’oublie pas, non, je sais tout le mal que j’ai dit de la vérité, et je ne me cacherai pas, non, je ne mentirai pas, non, en prétendant que c’était de la vérité dévoyée que je parlais, ce n’est pas vrai. Mais qu’est-ce qui est vrai, alors ? Que je tenais la vérité pour acquise. Exactement comme nous tenions les lumières pour acquises. Et, à présent qu’elles s’éteignent, les unes après les autres, derechef, et encore une fois, et encore une fois de plus, comme si tout devait recommencer toujours, à l’identique, ou un peu plus mal, nous ne pouvons pas nous réfugier dans nos regrets, nous ne pouvons pas nous abriter derrière notre bonne conscience, laquelle n’est que le symptôme de notre paresse, de notre mollesse, de notre faiblesse morale. Alors que faut-il faire alors ? Je ne sais pas. Je n’ai pas de conseils à donner. Et je n’ai pas de clan, non, pas de race, pas de genre autre qu’humain. Tout ce que je puis faire, c’est avancer, aller toujours plus loin, continuer ce que j’ai commencé, écrire. Et ne pas me bercer d’illusions, ne pas me faire accroire à moi-même que la vérité finira par triompher. Qu’est-ce que la vérité ? Et qu’est-ce que le triomphe ? Non, ce sera là, c’est tout. Ouvert, offert, libre.