Comme ce que j’ai écrit hier, encore que ce fût là que je l’écrivis, n’était pas destiné à ce journal, ce que j’écris aujourd’hui dans le journal mais qui est destiné à projectile Paris, si je l’écris ici, je ne l’y laisse pas, contrairement à ce que j’ai écrit hier, que j’ai laissé ici tout en le copiant là-bas, mais après l’avoir écrit, le coupe, et lui donne la place qui lui revient dans projectile Paris. D’abord, chose rare, et qu’il faut donc que je note, aujourd’hui, quand j’ai écrit ces pages pour projectile Paris, ce n’est pas l’écriture qui a commandé à l’écriture, mais un dessin, le dessin d’une carte, pour être exact, dessin dont j’avais eu l’idée, je ne sais plus si c’est hier au soir ou ce matin au réveil, mais peu importe quand, ce qui importe, c’est que, dessiner cette carte, c’est la première chose que j’ai faite aujourd’hui, d’abord sur une feuille puis sur une deuxième et enfin sur une troisième et, ensuite, seulement ensuite, j’ai écrit ce qui n’est pas tout à fait comme un commentaire de la carte, mais peut-être sa légende. Sa légende, oui. Beau mot, que celui de « légende », n’est-ce pas ? Je le note : tout ce qu’on écrit dans les marges de la carte est une légende. Et, à cette idée, je m’émerveille. C’était une pensée assez vague que j’ai eue avec moi toute la journée d’hier, non pas le dessin de la carte, ni l’histoire de la légende, mais de faire un livre qui ne soit pas tout fait de lettres, mais aussi de dessins, de cartes, de photographies, d’images au sens large. Or, ce livre, il se trouve que je l’ai déjà commencé, j’y ai songé après, seulement après, ce livre, c’est projectile Paris. Que l’idée, en soi, ne soit pas des plus originales (des images en plus du texte, des images dans le texte), cela ne me soucie guère, d’autant moins que ce que je fais n’a quasi rien à voir avec ce que Sebald faisait avec les images, qui étaient des documents, des traces du passé, il me semble, quelquefois aussi des substituts au texte, des mots du texte. J’ai une grande admiration pour l’écriture imagée de Sebald, mais il me semble que ce n’est pas ce que je fais. Qu’est-ce que je fais ? Je reprends le mot : j’écris une légende. J’écris la légende de la ville. Maintenant, il me semble que ce que je suis en train d’écrire appartient de moins en moins au journal, et de plus en plus à projectile Paris, mais ce n’est peut-être pas tout à fait exact et, si c’est exact, ce n’est peut-être pas un problème, les cloisons ne sont pas étanches, Dieu merci, les textes pas des prisons, mais les pièces d’une bâtisse, d’une immense maison, d’un édifice. J’ouvre le fichier dans lequel, entre autres, j’écris projectile Paris, j’y écris là-bas une phrase dont l’origine se trouve ici, reviens ici, pense à là-bas, tout se tient, tout communique, tout s’entr’exprime dans cette architecture écrite.