douze janvier deux mille vingt-quatre

À combien de fois dois-je m’y reprendre pour que, de moi, sorte quelque chose de bon ? J’ai froid. Plus que les jours précédents alors qu’il fait moins froid que les jours précédents. C’est peut-être que j’ai beaucoup marché, ces derniers jours, dans le froid, des dizaines de kilomètres à travers Paris, de çà de là, pour aller voir Paris.  Pour tenter de m’en faire une idée ? Je ne dirai pas cela comme cela ; ce n’est pas d’idées dont j’ai besoin, mais d’expérience. Est-ce le froid, alors, qui m’oblige à reprendre, une fois, puis deux puis trois puis quatre fois, la même chose, encore et encore, mais jamais la même chose donc puisque, chaque fois, j’efface la précédente, la précipite dans l’oubli, en commence une autre sans rapport aucun, laquelle s’oriente dans une toute autre direction. Pourtant, il y avait des choses intéressantes dans ce que j’ai écrit (mes monologues avec dieu alors que je n’ai pas la foi, l’univers non comme un tout mais comme rhapsodie de morceaux, Daphné comme caganis). Mais précisément, voilà, je ne veux pas écrire des choses intéressantes, auquel cas je me ferais le commentateur de la vie publique du monde, ce qui n’a aucun intérêt. Ou alors les choses écrites n’étaient pas intéressantes, mais elles n’allaient nulle part. Écrire des choses intéressantes n’a aucun intérêt. À l’annonce du nouveau gouvernement, ainsi, les réactions offusquées des belles âmes qui savent comment il faut penser sur tous les sujets avant même que les événements aient lieu et se contentent, à leur venue, d’adopter l’attitude préconçue qui convient, pourraient faire l’objet de longues lamentations. Au lieu desquelles, je me contente de me demander : Mais comment est-il encore possible de s’intéresser à ça ? et par « ça », j’entends : les événements et leur commentaire, et le commentaire du commentaire, et toute cette vie sociale insignifiante, paresseuse, et satisfaite d’elle-même. Il n’y a rien de si confortable que le confort moral. Trois fois, quatre fois, cinq fois, six fois, combien de fois ? Cette fois, je ne suis pas certain qu’elle tombe dans la catégorie « quelque chose de bon ». Mais que faire ? Une infusion de thym, par exemple, pour me réchauffer, avec quelques-unes de ces longues navettes marseillaises parfumées à la fleur d’oranger (celles de Saint-Victor), les saveurs de la plante sauvage et de la pâtisserie domestique s’accordant à la perfection. Ce n’est pas la Provence, me rétorqueras-tu, mais ce n’est pas cela que je cherche. Mais alors quoi ? Ce qu’il faut. Et cela — ce qu’il faut —, c’est si infime, impalpable (« impalpable », on dirait un mot qui bégaie), qu’on pourrait croire que cela n’existe pas, que c’est un mythe, un fantasme, un délire. L’est-ce ? Mais non, quand c’est là, tu sais que c’est là. Parfois, c’est un parfum. Parfois, c’est une phrase. Les pieds, les doigts, alors tout se met en mouvement. Et c’est parfait. Tout est parfait.