dix-huit janvier deux mille vingt-quatre

Le soleil m’arrache un sourire. Soudain, je suis envahi de gratitude. Mais n’est-elle pas absurde (alors que je suis épuisé, que je ne dors pas ou peu depuis dimanche dernier) ? Et si elle ne l’était pas ? Une des choses que je me souviens d’avoir lues dans le journal, mais je ne me souviens plus quand, si c’était hier, il y a trois jours, ou il y a une semaine : l’emploi du mot « inquiétant » en parlant du retour de Donald Trump suite à sa victoire au caucus (*) de l’Iowa. Comme s’il était une pièce détachée dans un monde autrement plutôt agréable à vivre. Et peut-être y a-t-il un peu de cela : au fond, espère-t-on, si l’on arrivait à gommer cette tache-là, on pourrait croire (et surtout faire accroire) que tout ne va pas si mal, et l’agenda d’une vision politique du monde dans laquelle Donald Trump est une sorte d’anomalie pourrait se dérouler dans son apparente tranquillité inclusive et dans sa réelle barbarie humaine. Peut-être était-ce la fatigue, peut-être était-ce un éclair de lucidité, mais voyant apparaître devant moi Donald Trump en train de danser pour célébrer sa victoire (devant mes yeux, mais sans l’image, en mémoire, je le précise alors que cela va probablement de soi et si cette précision est superfétatoire, c’est sur le compte de la fatigue qu’il faut la mettre), j’ai pensé au comique outrancier et vulgaire de Jim Carrey, ses simagrées et contorsions imbéciles, son corps flexible comme s’il était désarticulé, inhumain, toutes choses excessives et grossières qui ont fait sa gloire dans les années 1990. Loin de suivre la loi marxienne de la répétition historique (tragédie puis farce), peut-être y a-t-il surtout un bouffon qui anticipe chaque tyran, préparant notre sens esthétique à toutes les outrances auxquelles il va se livrer. N’est-ce pas un fait que nous sommes moins touchés par les choses, ou alors dans de faux mouvements d’empathie globale où il suffit d’imiter son voisin, c’est-à-dire d’être normal, parce que, sans jamais rien connaître, nous avons déjà tout ressenti ? Alors le réel ne peut pas réellement être un choc, l’accompagne toujours un sentiment de déjà-vu. Exprimait-elle cela, ma gratitude, cela, c’est-à-dire le contraire de ce que je viens de décrire, dans un soupir rassuré : « Ah, les choses sont comme elles sont. » ? Mais peut-être est-ce la fatigue.

(*) N’y a-t-il pas un « caucus » dans Alice in Wonderland, une sorte de course absurde où, tous les participants tournant en rond sans la moindre règle, personne ne gagne ni ne peut gagner ?