vingt-et-un janvier deux mille vingt-quatre

Certains jours, certains jours comme aujourd’hui, il me semble que je n’ai pas la force d’exister. Mais, si je n’ai pas la force d’exister, j’ai tout de même le désir d’écrire. Et la force de le faire. Puisque, en effet, je suis en train de le faire. Dès lors, se pose la question de savoir ce que j’entends par existence et qui se situe donc en-dehors ou en-deçà de l’existence. Est-ce que je n’ai pas envie de participer au monde ? Mais qu’est-ce, sinon participer au monde, qu’écrire ? Si je voulais ne pas participer au monde, je n’aurais qu’à me taire. Ce serait mieux. Ou plus simple. Ou je ne sais pas. Est-ce que ce serait mieux si je me taisais ? Est-ce une question rhétorique ? Aucune idée. Et puis, si je fais une distinction entre le monde et le monde social, cette distinction, où passe-t-elle ? Par où passe-t-elle ? Passe-t-elle par moi seul ? Par moi et quelque chose d’autre, moi et quelqu’un d’autre, mais qui, mais quoi ? Écrire, c’est ce que j’ai envie de dire, écrire, ce n’est pas tout à fait appartenir au monde social, et comment cela se fait exactement, je crois que j’aurais du mal à l’exprimer clairement aujourd’hui, j’entends : aussi clairement que je l’ai écrit hier, par exemple. Pourtant, hier, les idées étaient loin d’être claires immédiatement. Certaines phrases, il a fallu que je m’y reprenne à dix fois peut-être pour qu’elles trouvent le bon équilibre, celui qui devait être le leur. Ne pas avoir la force d’exister, cela, tel que je le dis, n’a aucun contenu moral : ce n’est pas que l’existence me dégoûte ou je ne sais pas trop quoi, c’est qu’il me semble que je n’en ai tout simplement pas la force, et alors qu’est-ce que l’écriture, dont j’ai la force, si ce n’est pas l’existence, dont je n’ai pas la force ? Où se trouve l’écriture par rapport à l’existence si elle n’est pas dans l’existence ? L’écriture n’est pas dans le monde social, l’écriture n’est pas dans l’existence, l’écriture où est-elle ? L’écriture est-elle dans le monde du rêve, lequel se tient à la fois dans le monde tel qu’il est (le monde physique, matériel, le monde réel, le monde social) et dans un autre monde, un monde qui lui ressemble, mais lui est grandement étranger, un monde où les significations acquièrent une autonomie telle qu’elles semblent sans commune mesure avec le contenu que nous leur prêtons ordinairement. Mais n’est-ce pas ce contenu ordinaire qui est trop faible par rapport au contenu réel, cette signification ordinaire qui est trop faible par rapport à la signification réelle qui n’acquière sa pleine dimension que dans le rêve, que dans le monde du rêve ? Pas la force d’exister, mais l’envie d’écrire, c’est ce que cela semble vouloir dire, non ? Moins primat de la signification onirique qu’idée que c’est dans le rêve, et dans le rêve, seulement, que la signification se désaliène, devient réelle. Dans le rêve et dans le rêve seulement ? Non, c’est trop strict : dans le rêve et son récit. Le récit de rêve, de par son étrangeté et sa vérité même — étrangeté et vérité dans le récit de rêve sont identiques —, devient une sorte d’archétype de l’écriture.