J’ai envie d’impossible. Et tout est possible. Tout est trop possible. (Le possible véritable, c’est l’impossible.) L’unanimisme sous contrainte des jours derniers ne m’inspire que profond ennui — bâillement à m’en décrocher la mâchoire (et, écrivant ces mots, je bâille) —, d’autant qu’il n’est que d’apparence, et qui prendrait le temps de décaper un peu du vernis qu’il compose s’apercevrait bien vite que, derrière cette vitrine concertante, tout est désuni. Mais unis, comment le serions-nous ? Pour l’être, ne faudrait-il pas nous reconnaître comme un (uns) ? Or, nous sommes coupés, coupés de nous-mêmes, découpés, pas fragmentés, non — fragmenté renvoie à l’introuvable unité —, mais dispersés. Mais veux-tu être un ? Un, par opposition à quoi ? Plusieurs ? Ne vois-tu pas que ce n’est pas la question ? J’ai envie d’impossible, me suis-je dit après que j’ai de nouveau eu l’idée de lire Péguy. Étrange idée, non ? Je ne sais pas. J’ai trop d’idées, je crois. Je ne parviens pas à les suivre, c’est que je ne sais pas où je vais. Elles se fracassent les unes après les autres sur l’écueil de la réalité, il n’y a que moi qui surnage, refusant le naufrage. M’interrompant pour ce faire, je viens de lire, comme si je les connaissais déjà, quelques dizaines de La présentation de la Beauce à Notre Dame de Chartres, étonnante familiarité de ce qu’on ne connaît pas. Mais peut-être ne faut-il pas chercher d’explication outre les phénomènes, les accueillir tels qu’ils sont, tels que nous les faisons. Ne sont-ils pas décevants pourtant ? Je ne le crois pas. L’unanimisme contraint n’est pas un phénomène, c’est un leurre, c’est un mensonge, c’est une diversion, — le contraire du phénomène. On a tellement pris l’habitude de faire comme si nos racontars étaient des vérités que, peut-être, on ne sait plus les différencier. À quoi se fier, alors ? À rien ? Désespérer ? C’est une idée, oui, mais encore faut-il y arriver. Comment ? Je ne sais. Il est midi. J’ai faim. À demain.