5.5.24

Je préférerais dormir, ou que le temps passe, ait déjà passé. Préférerais à quoi ? Je ne sais pas. À rien. À tout. À n’importe quoi. Est-ce que je classe cette journée parmi les journées que je n’ai pas forcément envie de vivre ? Non, je ne crois pas. Alors quoi ? Alors, rien. J’ai eu des idées, aujourd’hui. Des mauvaises, dont il m’a fallu un certain temps pour me débarrasser, sans rien faire de particulier, non, seulement attendre qu’elles passent, qu’elles aient passé, qu’elles ne soient plus. Et puis, d’autres, dont je ne sais pas forcément si elles sont bonnes ou si elles sont mauvaises, une que j’ai déjà eue, notamment, et que j’ai laissée ainsi, pas tomber, non, à l’état de pure idée, sans rien faire pour qu’elle passe à l’acte, sans rien faire pour qu’elle passe à l’être, sans rien faire que l’avoir. Peut-être certaines idées sont-elles destinées à n’être que cela, des idées, je ne sais pas si cela fait partie de leur essence ou quoi, c’est vrai, si toutes les idées passaient à l’acte, il y aurait trop d’êtres sur terre, ou plus du tout, peut-être, je ne sais pas. Non, décidément, je ne sais pas. Je ne sais pas grand-chose. Mais comment savoir si une idée doit passer à l’acte ou pas ? Tellement de mauvaises idées passent à l’acte chaque jour, c’est dommage, si on écoutait la vie, si on était attentif à elle, il y en aurait moins, on vivrait mieux. « Vie » est un mot qui me convient mieux que « nature ». « Nature » me semble faux, qu’on trouve dans des phrases qui l’opposent au mot « culture », des phrases qui parlent de « retour à la nature », de « protection de la nature ». « Nature » s’oppose peut-être à « culture », oui, mais pas « vie ». À quoi s’oppose « vie » ? Je veux dire, à part « mort » ? Et encore, même « mort » ne s’oppose totalement à « vie ». Je peux dire : « Je vais mourir », « Je suis mortel », « Je sais que je vais mourir parce que je suis mortel », oui, mais la vie, elle, la vie va-t-elle mourir ? Sans doute pas, non. Les problèmes apparaissent, je crois, quand on va à l’encontre de la vie. Mais qu’est-ce que j’entends par « aller à l’encontre de la vie » ? Je pourrais donner des exemples, en effet, mais cela n’éclaircirait vraiment pas la question. Peut-être, d’ailleurs, doit-elle rester obscure, la question. Crois-tu ? Non, bien sûr que non. Je crois même le contraire. La vie est clarté. Elle apporte la clarté. Ce que je peux faire, c’est apprendre à la sentir. Apprendre à l’écouter, y être attentif. Si nous étions plus attentifs à la vie, nous commettrions moins d’erreurs, nous aurions moins de mauvaises idées et, quand nous en aurions, des mauvaises idées, parce que je crois qu’il est impossible de ne pas en avoir, des mauvaises idées, nous nous laisserions le temps de nous en débarrasser, nous aurions cette patience qu’il faut pour que les choses qui doivent être aient lieu, au lieu de faire être les choses qui ne doivent pas avoir lieu. « Vie » ne s’oppose à rien, — s’il n’y a pas de vie, il n’y a