8.5.24

Je devrais écrire des notes sur rien. Qui ne seraient pas des notes sur tout et n’importe quoi, sortes de miscellanées, variétés et autres mélanges, ou je ne sais quoi, mais au contraire des notes très concentrées sur le sans objet, la vacuité, l’absence, le manque, le vide, le défaut, la disparition, l’exil, le départ, la chute, le calme, la paix, le silence, la perfection, le moment, l’instable, l’insaisissable, le fugace, la fuite, la vanité, le repos, l’acte gratuit, le geste gracieux, l’abstention, le blanc, beaucoup de choses, apparemment, mais en fait réellement rien, que de l’improductif, du rétif, du récalcitrant, du réfractaire, du rechignement, de la répugnance, de la résistance, voire mais par la soustraction, et non pas le cri, la manifestation, le vacarme, le bruit, la forme, l’affirmation, l’insistance, le ressassement, le ressentiment, le re du règne de la lourdeur, toutes choses qui ajoutent des choses au monde, multiplient, tendent à se multiplier, à faire des émules, des fidèles, endoctrinent, veulent avoir le dernier mot. De dernier mot, il n’y en aura pas. Est-ce pour cette raison que nous sommes comme entraînés sans cesse au-delà de nous-mêmes, et beaucoup trop loin de nous-mêmes, en vérité, si loin que nous nous retrouvons tout près de nous, au point même du départ, point final, point initial, c’est pareil pour les doctrinaires de l’un, comme si nous avions fait le tour de la chose, le tour de la terre, le tour de l’univers, sans avoir rien vu du tout, que le bout de notre nez ? Et c’est vrai qu’on peut voyager ainsi, c’est vrai qu’on peut vivre ainsi, en ne voyant jamais que son propre point de vue, lequel est plein d’êtres, surpeuplé, en vérité, incapables que nous sommes de faire le vide, d’araser l’ontologie à son strict minimum, l’en-deçà de quoi on ne peut pas aller, c’est tout simplement impossible. Qui voyage sans rien, sans idées, sans but, sans même savoir où aller, qui verra du pays, des pays invisibles à d’autres yeux que les siens, des pays des possibles. C’est étonnant, c’est vrai, quand on ne sait pas ce que l’on voit, mais n’est-ce pas la condition de possibilité de toute expérience possible ? Ne rien savoir, ne rien comprendre, ne rien connaître, ne rien vouloir, ne rien être. À qui voudrait faire des choses, comment ne pas conseiller de défaire ? De détruire, mais vraiment, pour ne rien créer, pour laisser les choses sans création, sans créativité, sans créateur. Choses sans tout, elle ne méritent même plus le nom de « choses », lequel devient une enveloppe vide qui, ne se refermant sur rien, comme des guillemets sur l’ixité de l’inconnue, s’ouvre à l’univers. Et, enfin, nos bras grands ouverts ne serrent pas, n’enserrent pas, deviennent la chair même du monde, mouvement léger pour un pas de côté, l’au revoir de son recommencer.