Je ne guette pas les signes qui m’annoncent que le monde se conforme aux principes que je critique (confer éclaircies, cahier à spirales, page 74), ceux-là se manifestent à moi, et je les enregistre, c’est tout. Item, cette manifestation, je ne la conçois pas comme une offrande que me ferait la réalité, pas même un cadeau, non, à vrai dire, c’est beaucoup plus décevant que cela : une fois que l’on a pensé les choses telles qu’elles sont et que l’on constate que, pourtant, elles se répètent idem telles qu’on les a pensées, que peut-on ressentir, sinon de l’ennui ? Le même sans variation, — voilà la cause de l’ennui. Cet aveuglement que je vois, il est là malgré moi, et mes éclaircies — secrètes —, je le sais, ne peuvent rien contre lui, mais tant pis, c’est ainsi et, aujourd’hui du moins, je n’ai rien envie de faire là-contre : je reste chez moi, dans le calme, m’abandonne à la lascivité, la volupté, les délices de l’otium. Comme je l’ai dit, j’enregistre, je laisse les choses intactes, et que les choses tiennent malgré la critique qu’on en formule alors qu’on voudrait les voir détruites, qu’est-ce ? une preuve de ma faiblesse ? peut-être, ou que le monde n’obéit pas à la logique, n’a que faire du langage, qu’il baragouine au contraire, et gueule, et se trouve fort bien de sa personne et content de lui, admire la forme qu’il prend dans les messages qui, des poules, s’écrivent sur les murs, sur le bitume, dans tous les esprits chaque jour un peu plus profondément. Indélébiles débiles. C’est en soi qu’il faut commencer par détruire l’illogique afin de laisser un champ libre au langage où il puisse se déployer, accomplir sa nature qui n’est pas de parler, non, mais d’éradiquer le non-sens, d’inventer du sens. L’hygiène du langage est la même que l’hygiène du soi, que l’hygiène du corps : on ne purifie pas, on détruit (les tics verbaux, les fausses idées, les mauvaises habitudes). Sainteté du sain, ou quelque chose de cet ordre, pas ossifié, non, mais souple comme la règle de Lesbos. Encore ? Oh oui, encore. Enregistrant, j’épouse la forme des choses, deviens pareil à elles et sans commune mesure avec elle, mesure des choses, qu’elles soient vraies ou pas, acheminent à être ou à désêtre.