Faille entre les Frances, — comment ne pas la voir ? D’une part, à main d’avant, la France sublime, d’autant plus que, passée, elle se prête à tous nos exercices d’illusion et, d’autre part, à main d’aujourd’hui, la « nouvelle France », made in anywhere but France, et qui n’est pas née d’hier, pourtant, non : un siècle de défaites (1870 – 1962) lui aura préparé le terrain. Aussi, tel bavard de la révolution et ses inspirateurs jamais à court d’idées auront beau jeu, à leur tour, de réclamer l’avènement d’une « nouvelle France » : la vérité est qu’ils n’auront rien inventé, se seront simplement contentés de ramasser les morceaux — j’ai envie de dire : les copeaux —, les débris, les membres disjoints, et en état de décomposition avancée, de ce qui se tenait, jadis, quelque part par là. Mais où ? Partout. Mais plus ici, non, anywhere but here. Exercices d’illusion que, non sans une grande violence symbolique, d’ailleurs, piègent d’immenses trouées de kitsch, comme cette énorme chapelle royale de Dreux, mausolée bâtard érigé avec les ruines de la Ferté-Vidame, où dans une sorte de féerie bouffonne, involontairement comique, face à Saint Louis, Saint Philippe surgit des cartons d’Ingres sous les traits de l’usurpateur, de tête de poire, Louis-Philipe. En bas, dans l’église Saint-Pierre de Dreux, brodée en capitales lettres d’or sur un vert qu’on dirait impérial, peut-être, cette proposition passablement anti-leibnizienne : « POUR DIEU, TOUT EST POSSIBLE ». Et surtout, n’importe quoi. La preuve ? Mais, — elle est partout autour de toi. Il te suffit d’ouvrir les yeux, de ne pas te boucher les oreilles, de sentir sans préjugés, et tout est là. Que l’on ne t’autorise pas à voir ce que tu vois, à sentir ce que tu sens, qu’on t’interdise d’interpréter comme il faut qu’elles soient interprétées les expériences que tu fais, c’est une autre affaire, à laquelle (bouclons la boucle) l’histoire de la nouvelle France, bien sûr, est tout sauf étrangère. C’est ainsi, l’histoire. Et qui tente de lui échapper, l’histoire l’enterre. Mais non, c’est absurde. L’histoire n’a que faire de toi. Elle n’a nul besoin de t’enterrer : quoiqu’il arrive, le temps s’en charge. De notre introuvable nous ne demeurent que des fresques plus ou moins pathétiques, plus ou moins risibles, plus ou moins imbéciles, des futurs passés et dépassés plus ou moins enviables. Et je ne sais pas, à vrai dire, où nous en sommes, à quel niveau sur l’échelle qui va du comique au tragique nous nous trouvons. Tout ce que je sais, c’est qu’il faut voir du pays, et c’est ainsi que je l’entends : il faut voir son pays, tel qu’il est. Tel qu’il fut, cela nous échappe. Tel qu’il sera, nous n’en savons rien. Il faut le regarder, quand même, et de plus en plus, il se voilerait la face. Signe des temps ? De guerre lasse.