Seule issue de la spirale : la mort. Tout comme pour sortir du labyrinthe : quelqu’un doit mourir. La spirale n’entraîne jamais le strict retour du même, mais s’il y a déviation — car il y a bien déviation, quelque chose comme le clinamen —, il n’y a pas de hasard : même si on l’ignore, c’est ainsi que tout cela devait finir. L’absence de hasard ne signifie pas toutefois que c’était prévu : il n’y a pas de plan, pas de prédestination, pas d’harmonie préétablie, simplement, une fois que la spirale commence à tourner, rien ne l’arrête plus, elle ne peut avoir qu’un terme unique, une seule fin : la mort. Dans Vertigo, le même ne se reproduit pas à l’identique, il y a quelque chose comme le quasi qui fait dévier les êtres de leurs trajectoires. S’il y avait un plan, d’une part, il serait plus simple et, d’autre part, il fonctionnerait. Or, le principe de l’intrigue est qu’elle dysfonctionne le plus quand on s’imagine qu’elle fonctionne. Tout se passe comme prévu et, pour cela même, rien ne se passe comme prévu : la spirale tourne, certes, mais pas sur elle-même, elle progresse sans cesse, se concentrant et s’excentrant. Il n’y a pas d’équilibre parce que tout équilibre implique un déséquilibre sans proportion aucune (on ne peut pas prévoir ce qu’il va se passer, que le drame sera multiplié par le nombre de fantômes, les fantômes de fantômes de fantômes). Quand John Ferguson, qui n’en peut plus d’être hanté par le fantôme d’un fantôme, le fantôme d’un fantôme d’un fantôme — il y a laissé sa santé —, se croit enfin libéré du mal qui l’afflige, une autre chute réduit à néant tous ses espoirs de rédemption : on n’est pas sauvé, on meurt. On pourrait projeter là-dessus quelque vision pessimiste de l’existence, mais il s’agit plutôt de l’expression extrême, poussée à son maximum d’intensité, au point que la tension implique nécessairement la rupture, de l’angoisse interminable que ressent qui doute de la réalité de la réalité. Pourtant, la réalité est là : impossible de ne pas la voir. Tout est faux devant le voile de l’illusion — de ce côté-ci de l’écran — et, pourtant, le regard décèle, le regard se décille, le regard décille — de ce côté-là de l’écran. Tout le monde voit ce qu’il y a à voir parce que rien n’est caché. Le fin mot du mystère, le mystère du mystère, c’est qu’il n’y a pas de mystère. L’on s’illusionne parce que l’illusion procure la jouissance — elle donne un sens à l’existence —, et l’on se désillusionne exactement pour les mêmes raisons. De toute façon, tout est perdu, serait-on peut-être tenté de dire. Mais c’est encore faire appel au plan. La vérité est plus simple, plus vraie, si l’on ose dire : à la fin, tout le monde meurt. Il n’y a pas de mystère ; le mystère ne s’entretient jamais que par l’illusion des humains qui, cherchant en vain leur jouissance, inventent des images, façonnent des illusions. Qui cela ne rendrait-il pas impuissant ?

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