26225

Saoul de lumière, de sable, d’air, de soleil, d’algues volantes : comme entendu hier, le vent s’est levé qui a chassé la grisaille. Je marche le long de la mer, m’en retourne m’assoir au poste antique de ma contemplation. Le trouvant occupé, je patiente quelques instants et puis m’installe à cette place, comme si je ne l’avais jamais quitté. Avant,  plage des Catalans, cependant que Daphné jouait dans les vagues et le sable avec un amie rencontrée sur place (n’est-ce pas merveilleux de voir que toujours les enfants se lient d’amitié si simplement ? pourquoi l’amitié devient-elle si difficile avec l’âge ? n’est-ce pas absurde ?), j’écris un poème que je continuerai ensuite au Prado, et qui fait :

Tempêtes de sable miniatures
le vent s’est levé
entre les lèvres d’écume de la déesse songe le récit d’un rêve qui revient
et dont la récurrence n’est pas ennui mais émerveillement renouvelé
de mes doigts lucides je caresse le fond de l’espace
la tignasse d’Aphrodite et un couple qui s’embrasse
combien de siècles passés à attendre pareil moment parfait ?
on nous enjoint de produire quand il n’en faut rien faire
quand il ne faut rien faire que contempler la chose autrement absente
et écrire.

Là où le soleil brûle la mer se trouve le lieu de mon antique contemplation
nuées d’algues sèches comme une pluie à l’envers
j’ai longtemps marché pour venir ici et je pense : 
toute une vie ne pourrait-elle être consacrée à marcher pour se rendre quelque part où écrire
comme une sorte de temple mobile ?

(Catalans – Prado. 26.2.25)

Sur le chemin du retour, j’écoute des vieilles Nuits magnétiques que François Bon avait consacrées à Rabelais. Parfois, le vent m’arrête tout net. Parfois, je crains qu’il ne me projette dans la mer. De temps à autre, j’étends les bras de part et d’autre de mon torse, comme des ailes, et je me prends pour un oiseau.