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Rêve lointain d’une polyglossie européenne. Évanescent, qui pis est, ce rêve. Polyglossie de l’Europe et polyglottisme des Européens. Un peu comme le provençal des troubadours, qui ne chantaient qu’en une seule langue par-delà des entités politiques diverses, des expressions différentes, mais à l’envers, — des tas de langues pour le continent unique où elles nées, où elles versent. De neuves langues, des langues antiques, sans guère de différences, outre la mémoire, entre les mortes et les vivantes, quiconque parle, ou chante, en effet, se sachant vivant et mort, à la fois. Où est l’Europe ? Du regard, des doigts, de la langue, je la cherche, lèche, sans la trouver. C’est elle, évanescente, qui emporte mon rêve dans son lent partir. La politique, c’est la guerre. De toute façon. Que tout le monde veuille en faire, et que tout en soit devenu, de la conquête de l’espace aux poils de ta chatte, qu’est-ce, sinon le signe que tout le monde désire en secret la mise à mort de l’autre, de toutes les autres, sans exception ? Ce n’est pas vrai que l’on croie encore à la démocratie (et le mot, même) puisque l’on veut toujours réduire au silence qui ne parle pas comme soi. Pas de survivants : langages, langues, idiomes, dialectes, parler patois viendrait exaucer, au contraire, nos désirs multiples, notre désir de multiplicité. Je suis l’idiot sous le dôme de l’écriture. Et les sabres des sons en lesquels il s’effondre sont le tissu de mon dépit. Nul autre temple que mes phrases, lesquelles se heurtent sans cesse aux limites de la grammaire, aux frontières de l’ontologie. Brasses dans la mer ; bientôt, c’est l’océan. Iroquoises à l’abordage de l’iridescente iroise. Falaises plongées et phallus plongeurs. Il y a des lumières qui clignotent, des êtres qui parlent dedans l’écran, et moi, je nage.