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Voici la forme que pourrait prendre l’encadré que j’ai pensé placer, hier au soir, cependant que j’avais du mal à trouver le sommeil, au début de loin de Thèbes, et puis toutes les vingt-cinq ou trente pages, ensuite, afin de signifier que, si le chemin est tortueux (le chemin du livre et le chemin du roman, du récit), qui consent à l’emprunter et le suivre jusqu’au bout ira bel et bien quelque part — on est perdu mais on n’est pas perdu — et ce, afin de me libérer du fil directeur tout en le maintenant sans cesse, me libérer de l’intrigue tout en l’ayant sans cesse présente à l’esprit et idem pour qui lirait le livre : 

exactement comme cela, comme on en voit (ou voyait, je ne sais plus, on doit toujours en voir, tellement de gens fument encore, mais moi j’ai arrêté) sur les paquets de cigarettes pour avertir des dangers de fumer, ce qui est absurde, mais ce n’est pas le sujet, tant me semblait grande ma perplexité à la fois devant l’étendue restant à parcourir (dans le récit et dans le livre) et la nécessité, toutefois, d’envoyer promener le roman, dans le temps, disons, tout à fait comme il est déjà en train de se promener dans l’espace. J’y pense maintenant, mais ce n’est pas ce que j’avais à l’esprit quand j’y ai pensé cette nuit, cela peut faire penser aussi aux avertissements de contenu (trigger warning) que, paraît-il, on trouve désormais en tête de certains livres, je ne sais pas, je ne lis pas ce genre de livres, et qu’on trouve aussi au début des mauvais films et des mauvaises séries qu’on produit de nos jours, et cela, malheureusement, j’entends : les séries, je le sais, il m’arrive d’en regarder, c’est absurde, tout aussi absurde que les avertissements sur les paquets de cigarettes, mais ce n’est pas ce que j’ai à l’esprit, c’est-à-dire que je n’y ai pas pensé en tant que parodie, quand même cela pourrait effectivement se prendre (être pris) pour une parodie. Ce que je veux, c’est à la fois être toujours conscient de la direction tout en étant libre de bifurquer et, en réalité, cet avertissement que j’imaginais, s’adressait peut-être moins à qui potentiellement lirait le livre (peut-être personne jamais) qu’à moi-même pour que je ne perde pas de vue le sens de l’ouvrage et que je sois toutefois capable de m’en libérer, que je ne demeure pas ainsi prisonnier d’une structure que je me serais imposée de façon plus ou moins arbitraire. Comment dormir après cela ? Effectivement, la question se pose. Mais mal. Ce n’est pas : Comment dormir après cela ? C’est : Comment trouver le sommeil après cela ? quand on cherche une réponse à autre chose et que, ensuite, des fils de pensée les plus divers viennent s’emmêler les uns aux autres, car, une fois trouvé le sommeil, je ne le perds plus. Il faut que j’ai constamment cela à l’esprit pour n’y penser plus, y penser tout le temps pour ne m’en soucier pas, m’en souvenir pour l’oublier, en dépendre tout à fait pour m’en émanciper, que cela passe dans une autre strate de la pensée pour en sortir, que ce soit tout le temps, partout, et jamais, nulle part.