États d’âme : envie de partir dans une sorte d’exploration de ce que je pourrais appeler mon sentiment méditerranéen. À savoir, en quelque sorte, ce que m’inspire la Méditerranée comme microcosme (univers à l’échelle d’une mer), non comme espace distant (même si je me trouve loin, de facto, en ce moment, de là, mais comme proximité permanente, j’allais dire : espace intérieur, mais c’est au sens d’espace intériorisé. Et tout ensemble, ainsi : des atmosphères, des lumières, des couleurs, des sons, des parfums, des goûts, dans une écriture ouverture qui accueillerait les évocations aussi bien de l’anchoïade que préparait avec science mon grand-oncle Charles, de la lumière aveuglante du soleil calcaire qui se reflète sur le bleu de la mer que l’on a adossé à la falaise de la calanque de Callelongue, des odeurs spécifiques comme celle du pin, l’été dans le jardin de la maison de Roger et Arlette, des intonations, des dictions, des accents, des phrases folles qui ne se peuvent prononcer qu’ici (« Je me sens plus proche d’un Arabe que d’un Teuton », dit un jour mon oncle Jean avec une force de conviction et un sens de la formule qui font que bien des années plus tard je m’en souviens à la perfection, principe même de la France méditerranisée pour une autre Europe, la seule qui fût jamais, une femme sur le dos de ce taureau qui est un dieu), des manières d’être, des attractions, la Méditerranée fonctionnant toujours comme un pôle d’attraction, des idées qui semblent insensées, peut-être, mais qui prennent sens dans une histoire qui a du sens (cf. Nietzsche : « Il faut méditerraniser la musique » qui résonne comme une déclaration d’indépendance, d’où la Méditerranée comme émancipation), la clôture de l’espace et ses extensions, la nécessité de la traversée, comme si la Méditerranée depuis qu’Ulysse en a esquissé la première cartographie n’existait que pour être traversée, ce en quoi elle résiste aux puissances qui fige, tout en demeurant un foyer (Ulysse ne veut qu’une seule et unique chose : rentrer enfin chez lui, dans son île), les îles par suite, nécessairement, la Corse proche et lointaine, celles qui sont traversées par l’histoire (cf. la Lampedusa racontée de Dionigi Albera), des lieux qui semblent comme interdits, comme bannis autant que l’on s’en trouve banni (l’Algérie paternelle), une certaine philosophie de l’exil, mais aussi de simples et pures fascinations (l’architecture romane provençale, par exemple), qui révèlent ce par quoi j’ai commencé : un état d’âme, etc. Sans réelle recherche de cohérence, tout cela, cette dernière ne venant pas de surcroît (comme si on essayait de faire se tenir ensemble des éléments si disparates qu’ils ne s’emboîtent pas), mais étant donnée par l’espace même où tout se joue, s’articule, se distingue, s’embrasse, s’harmonise.

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