Le cri primal qu’en guise de thérapeutique désuète je pourrais être enclin à pousser pour purger la peine immense que m’inspirent ces êtres bizarres qui peuplent le monde qui est censé être le mien, il ne vient pas, et je me contente d’ouvrir des yeux ébahis, à la place, papillonnant d’eux pour me convaincre que je rêve, mais non, c’est la grosse réalité : dans ce nouveau monde tout de communautés antagonistes, le nouveau paria (au sens littéral comme figuré), c’est celui qui, pour employer le vocabulaire de Mme Nobelle, n’a pas de race. Ce mot déconcertant, « la France », il y a les pages de Proust (voir le journal du 25325, qui me semble beaucoup ancien que les deux mois à peine plus qui m’en séparent, la date faisant foi, — c’est étrange, ne trouves-tu pas ?) où il m’émeut, jusques aux larmes, ou quasi, et puis, il y a la grosse réalité — la geste des puissants, le bavardage des moi je pense que, et toute la théorie des professeurs d’opinion et des donneurs de leçon — où il me dégoûte, jusques à son rejet physique, ou quasi. Qui, en l’état d’abaissement où il se trouve, ne rêve de le voir disparaître, ce pays, et au plus vite. Au profit de quoi ? demandes-tu. Mais de n’importe quoi : de l’air. Faut-il attendre d’être en phase terminale pour en finir ? Aracide, i. e. sans race, comme d’autres, sans patrie, sont dits ou se disent apatrides, quoi qu’en pense mon époque, pour qui il importe avant tout de se trouver des origines, des identités, des racines — contrairement à ce qu’elle s’imagine, le rhizome, ce n’est pas son genre —, et donc des luttes, c’est une chance, c’est l’ouverture, le plongeon dans le grand bain de la mer intérieure qui trouve toujours le moyen de s’échapper par quelque détroit, fût-il, même, des plus étroits.

Vous devez être connecté pour poster un commentaire.