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Quand est-ce qu’on est libre ? Ou, à défaut, quand est-ce qu’on nous fiche enfin la paix ? Au futur. Jusqu’au refuge du sommeil est envahi par le bruit des moteurs à explosion. Au loin, de l’autre côté de la mer, ce ne sont pas les moteurs qui explosent, mais les missiles. Encore que, fondamentalement, ce soit la même chose, le même état d’esprit. Sur des pancartes, de ce côté-ci de la terre, je lis des slogans comme « NEUTRALITÉ = COMPLICITÉ », et il est vrai que tout est simple, réduit à l’expression d’une équation paresseuse. Main gauche dans la poche, main droite qui tient la pancarte, lunettes de soleil épinglées sur le col du tshirt, sa voisine à l’oreille vissée à son téléphone portable et une tierce agite un drapeau multicolore, comme si l’un d’entre eux valait mieux que les autres. Illustration. De quoi ? De tout. De rien. Quand on les voit, on comprend les massacres, les exactions, les violences fanatiques. À quoi reconnaît-on un être humain ? On peut lui faire faire n’importe quoi. Que se passe-t-il dans la tête de ces gens ? Parfois, je me pose la question. Mais surtout, ne me réponds pas : je n’ai aucune envie de le savoir. C’est le confort moral à bas prix, l’équivalent politique de la fast-fashion. Tout se règle facilement quand le mal est tenu à distance par la guerre sans fin que se livrent d’autres êtres humains, au loin. En direct à la télévision, comètes sanglantes dans le ciel noir des idées, la mort semble irréelle. Et, le pire, c’est qu’elle l’est toujours, d’une certaine manière. Les mains sales, les mains propres, quoi qu’il en soit d’elles, ce ne sont pas les nôtres. Bonne conscience toute occidentale. Mais nulle part personne qui ne soit en mesure de répondre à cette question : Et la paix alors ? Silence à l’horizon. Et partout c’est la guerre, disait le poète, mais qui l’a écouté ? J’ai sommeil. Quand je veille, je rêve moins d’autre chose que d’ailleurs, mais où est-ce ? Si nous ne changeons pas — du sol au plafond — nos manières de penser, ce sera toujours pareil : nulle part, jamais. Alors, tant pis pour nous. Adieu.