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Le nombre d’heures durant lesquelles on porte son existence comme un fardeau, qu’en faire ? Comme on ne peut pas disparaître à temps partiel (disparaître et puis réapparaître et puis recommencer), on est bien obligé de tenir le coup. Oui, mais qu’est-ce que tenir le coup, et pour combien de temps et puis pour quoi, ensuite, pour recommencer ? Tenir pour recommencer après l’avoir tenu, cela en vaut-il le coup ? Coup à coup, peut-être,  on peut se contenter d’aller, pas trop mal, pas trop bien, non plus, non, mais cela ne fait pas une perspective, plutôt un valse hésitation (1 2 3, 1 2 3, 1 2 3, et caetera), ne crois-tu pas ? J’aimerais avoir des certitudes bien tranchées, le genre de sentiments mêlés d’opinions dont on fait les convictions qu’on va crier ensuite dans la rue en agitant un drapeau ou bien un autre (« Oui ! Oui ! Oui ! », « Non ! Non ! Non ! », ou inversement), mais je n’en ai pas la faculté, la vie est si profonde, si vaste, si complexe, impossible à cerner, comment s’en tenir à une position unique et y camper (ce que personne ne fait jamais, en vérité, mais le prétend toujours, s’illusionne, se raconte des histoires, c’est  si agréable de se mentir pour se donner le beau rôle) ? Alors on se retrouve à porter son fardeau à temps partiel, on est bien content de le déposer de temps à autre, histoire de penser, d’avoir des idées, de faire des choses, de belles choses, mais c’est si difficile aussi, de penser, d’avoir des idées, de faire des choses, de belles choses, on ne peut pas s’en dispenser de cela, aussi, dis ? Non, tout le monde le fait déjà, tu sais. Fais un effort. Aujourd’hui, je n’en ai pas la force. Mais, comme je ne peux pas disparaître à temps partiel, mon fardeau m’accable, la lassitude me gagne, je préfère ne rien faire, je préfère ne rien vouloir du tout, m’abandonner à rien, plutôt que de vouloir le néant, plutôt que de détruire. Les autres ne s’en chargent-ils pas à la perfection. De quoi ? Eh bien, de la destruction, pardi.