De quoi ai-je vraiment besoin pour vivre ? Quand je vis terré, comme je le fais ces jours-ci, ce n’est pas grand-chose, j’imagine : un ventilateur brasse de l’air à ma place, je bois de l’eau fraîche, mais c’est déjà trop. Cette question, je me la pose avec sincérité car elle me préoccupe, pas tant en un sens général (disons, celui de la sobriété, de l’empreinte, etc.) qu’au sens de ma simple existence : de quoi pourrais-je me passer et tout de même continuer de vivre d’une manière que je puisse juger heureuse ? Heureuse, cet adjectif, après ce que tu as écrit hier, ne te semble-t-il pas absolument déplacé ? À vrai dire, non, car c’est toujours la même question que je développe. Ce qui me dérange, c’est que je ne me trouve pas à place, peut-être parce que ma place prend trop de place ou qu’il n’y a pas assez de place pour ma place, je ne sais pas. Ce sont peut-être les deux côtés d’une même réalité, ou non. C’est peut-être la même chose, vue de deux manières différentes, ou non. Disons que j’ai conscience à la fois de la vacuité de mon existence (au sein de la vie sociale) et de la nécessité de la vivre comme je l’entends (ce pour quoi je suis fait, ma nature). C’est un équilibre instable, probablement, entre les attentes du monde social et mes attentes à moi, ce que je considère comme une vie digne d’être vécue. La plupart des vies modèles qui nous sont proposées à vivre dans le monde social ne me paraissent pas dignes d’être vécues, même pas dignes du moindre intérêt (pourtant, elles intéressent les gens qui font profession d’en vanter les mérites). Mais ce n’est pas un jugement en soi sur la façon dont les autres devraient vivre, c’est simplement la façon dont je conçois, moi, mon existence à moi. C’est aussi une conception de la beauté, comme quand je dis (quand je pense, plutôt, ou quand je me dis à moi-même, étant donné que, outre Daphné, je ne parle à personne d’autre qu’à moi-même) que la vie est faite pour être belle : c’est une manière de concevoir la vie dans sa forme à la fois générale et particulière (le dessein et les détails). Mais je ne sais pas trop pourquoi je raconte tout cela, qui est passablement décousu, de plus. Peut-être qu’il faudrait que je me déterre, mais il fait trop chaud, bien trop chaud, de plus en plus chaud.

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