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Par un bel après-midi d’été, à peine descendu du RER B (arrêt les Baconnets), j’éternue deux fois, preuve indiscutable que je suis arrivé en banlieue. Si jamais la transurbance dominicale de la bourgeoisie parisienne venue assister au spectacle de fin d’année de sa jeunesse dorée devait s’éterniser, combien de temps faudrait-il pour que la sociologie de la ville (Massy) s’en trouve transformé ? Mais Paris sera toujours Paris, surtout le petit, et dans la question, c’est « jamais », le mot clef qui contient la réponse : mais voilà qui est impossible. Aussitôt le spectacle terminé, tout le monde repart comme il était venu. Entretemps, assis près de l’étang du Parc Georges Brassens (à croire que tous les parcs de banlieue s’appellent « Georges Brassens », et même si, en réalité, c’était celui de la Blanchette, vue de Paris, cette différence n’a aucun sens, elle n’existe même pas), nous avons parlé tout l’après-midi, Nelly et moi, et les Métamorphoses (traduction Danièle Robert, Actes Sud, édition originale) que j’avais prévu de lire m’auront servi d’appui-coude. Qui a dit que la littérature était inutile ? Le livre fait partie d’un ensemble que j’ai constitué de tête avant de le disposer physiquement, ce matin, cependant que je marchais du côté du Parc Montsouris, lequel ensemble contient les ouvrages suivants : les Métamorphoses (traduction Robert), l’Odyssée (traduction Jaccottet), What Evolution is d’Ernst Mayr, l’Ancien Testament (Bible de Jérusalem), composé dans un dessein précis. Ce dessein, je ne l’ai pas conçu ce matin, mais il m’est apparu de nouveau précisément à ce moment-là dans une sorte de clarté immédiate et que j’aurais du mal à expliquer à présent parce qu’il me faudrait expliquer le dessein et la façon dont cet ensemble de livres prend place dans ce dessein, ce qui me semble compliqué parce que cela ne pourra s’expliquer qu’après coup, quand le dessein sera accompli, c’est-à-dire quand j’aurai écrit ce que je veux écrire, qui n’est pas un commentaire de ces textes, tant s’en faut, chacun de ces textes prenant place dans le dessein comme une lumière qui éclaire ou une source à laquelle s’abreuver mais pas comme une fin en soi de quoi parler, non, comme un élément du dessein, un moment du destin. Ce qui expliquera le dessein, ce sera son destin : que j’écrive. Et donc, voici que j’avance sur le chemin.