Petit poème composé sur le sentier du littoral. Encore qu’il tienne en peu de vers (six, à peine), et brefs, sa forme originale est plus ramassée encore : c’est un scarabée croisé en chemin. Tout autant qu’un insecte, c’est un signe, qui m’évoque une divinité égyptienne. Est-ce que jadis l’univers était plein de significations que nous avons cessé de lire — parce que nous avons remplacé les signes par des enseignes lumineuses, des slogans, des écrans publicitaires — ou est-ce aujourd’hui qu’avec un peu de distance on peut découvrir des signes dans le monde ? Passant rapidement devant un arbuste qui donnait de charnues fleurs bleues dont j’ignore le nom, j’ai cru voir la carrosserie d’une voiture, ou quelque chose artificielle de la sorte, parce que c’est cela que je suis habitué à voir, cela que j’ai appris à lire dans l’espace qui m’entoure, mon paysage. Sans cesser de marcher, je me dis que, si je passais suffisamment de temps dans un environnement moins artificiel que le mien ordinaire, plus vivant, dirais-je, très vite, ce serait l’inverse qui se produirait : je ne verrai plus des automobiles, mais des fleurs, partout. Nous sommes le produit de la machination du monde. Cette nouvelle vision serait tout aussi fausse que la mienne ordinaire, mais avec elle tout serait différent. Qu’est-ce que je voulais dire ? Que mon poème n’était que le développement d’une forme de vie croisée en chemin, petite, fragile, complexe, merveilleuse. Qu’est-ce qu’un scarabée rapporté à l’immensité de l’univers ? Rien, exactement comme moi. Pourtant, dans leurs mythes, les anciens égyptiens en firent « Khépri », « celui qui vient à l’existence », l’aurore qui devient Rê (le midi) puis Atoum (le couchant), un homme à tête de scarabée qui porte le sceptre dans la main droite et, dans l’autre, la croix de vie. Un insecte qui pousse sa bouse devient le dieu qui fait se lever le soleil chaque matin, la naissance de l’univers. La célébration de la vie.

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