Les cendres du pire. — Peut-on reprocher aux Espagnols d’aimer mieux les chiens que les Juifs ? Eux qui les préfèrent déjà à leurs propres enfants potentiels — et que, donc, ils ne font pas. Les chiens ont cet avantage considérable sur les enfants, il est vrai : ils n’apprendront jamais à parler. « Barbarisme » est le nom que l’on donne à la langue de l’autre, autre qu’on rejette ainsi que le baragouin de sa race honnie. La langue des barbares n’est pas barbare parce qu’elle est impropre, elle est barbare parce qu’elle est la langue de l’ennemi. L’Europe a prospéré sur la haine de l’autre ; à présent qu’elle désespère à la périphérie du nouveau monde, ne lui reste plus que cette haine vocifère, qui l’étouffe. Elle est condamnée à commenter des événements qui se passent sans elle, toujours plus loin d’elle, auxquels elle est étrangère et sur lesquels elle n’a pas la moindre influence : elle a beau s’agiter, le monde ignore la farce de sa geste. Elle est là, qui ronge le frein gras de son impuissance, alors qu’il a rompu depuis longtemps. Chez elle, la vie, désertée par les enfants qu’elle ne fait plus, se couvre de déjections canines : elle ne consent à lutter contre son obésité que pour contempler la bête faire ses besoins qu’elle ramasse ensuite avec l’empressement et la délectation contrainte de l’esclave. On dresse les derniers survivants dès le plus jeune âge : eux aussi auront les maîtres qu’ils méritent. Plus morbide encore que l’obésité, la nulliparité dont on se vante toutefois comme d’une ultime victoire sur la vie humaine. Mais on aurait tort de penser que l’espèce disparaîtra ainsi, à plus ou moins long terme, de la surface de la terre : les ethnies vieillissantes seront simplement remplacées par d’autres, plus jeunes, plus violentes, plus passionnées, qui ne comprendront peut-être pas mieux la vie, mais à qui les maîtres du futur ne demanderont pas leur avis. Chacun ses chiens, après tout. Et qui sait si, quand les diverses ethnies qui composèrent jadis l’Europe continentale et s’en allèrent peupler un Occident virtuel auront disparu de la terre, les conflits ne se règleront pas enfin au lieu de s’alimenter de guerres sans fin ? Les êtres humains ont-il jamais été mus par autre chose que le mensonge, la distorsion de la réalité, la déformation de la vérité, la violence, la rancœur, le désir de revanche, la promesse de vengeances éternelles et de récompenses qui viendront après l’histoire pour les plus fanatiques, les plus cruels, les plus sanguinaires d’entre eux ? Même quand la paix est réelle, il faut à la populace quelqu’un que ses maîtres prophétiques lui marquent au fer de l’ignominie, un ennemi à combattre : c’est ainsi que l’on sélectionne les spécimens de l’espèce future, en éliminant avec méthode les doux, les réfléchis, les poètes, les rêveurs, les contemplatifs, les songeurs, les penseurs, en laissant dépérir ceux que la graisse des idées confuses interdit de désirer la vie, et en attisant la férocité des armées à venir. Sélection qui n’a rien de naturelle, certes, mais qui a fait ses preuves : ne renaît-il pas toujours de ses cendres, le culte du pire ?

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