Il fait de plus en plus chaud. — Aucune théorie critique de la société de consommation n’a jamais contribué à la fin de la société de consommation ; c’est la société de consommation elle-même qui induira à terme la fin de la société de consommation. Est-ce une utopie comme en fut une la baisse tendancielle du taux de profit ? Possible, mais. Comme les méduses que le réchauffement climatique fait proliférer mettent à l’arrêt les centrales nucléaires, la multiplication des canicules conduit au ralentissement de l’économie. Ainsi, constatent les analystes de l’économie de marché, chaque journée qui connaît une température supérieure à 32° C équivaut à une demi-journée de grève. La hausse des températures entraîne une baisse de la productivité. Et, en effet, qui a envie de travailler quand il fait chaud ? Déjà que, quand il fait froid. À cette lueur, le concept de « sud global » prend un sens nouveau : bientôt, le monde entier ayant été tropicalisé, l’indolence sera la norme, et l’art de vivre méridional triomphera enfin de l’esprit mortifère du capitalisme. Qui ne rêve de passer sa vie à se radasser ? Le nord besogneux, industrieux, entreprenant, qu’aura-t-il fait sinon préparer le monde à sa fin, une fin sombre, sale, et enfumée ? Or, ce qu’il ne pouvait pas prévoir, harassé par la besogne qu’il était, c’est que la fin en question ne sera pas une grande explosion, mais bien plus certainement une longue et crapuleuse sieste. Le néant n’est pas nécessairement nihiliste, non, il peut être agréable, accueillant, réjouissant et frais comme une après-midi passée à l’ombre, rien qu’à regarder le temps s’écouler, lentement, et l’eau qui coule venir lécher le rivage de nos pieds. Ayant appris à lézarder et à se contenter de peu, débarrassé des mirages de la productivité, libéré de la torture du travail, l’être humain pourra enfin consacrer le plus clair de son temps aux tâches qui sont réellement dignes de lui : penser, aller, venir, et faire l’amour.

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