Fatigue (morale), fatigue (grande), fatigue (grande morale). Plutôt que : Qu’ai-je fait pour mériter cela ? je me demande : Que puis-je faire pour mériter autre chose ? et mieux encore : Que dois-je faire pour obtenir autre chose ? Obtenir, c’est-à-dire : vivre, tout simplement. Qu’est-il en mon pouvoir de faire pour vivre autrement ? Tandis qu’à la première question, qui y réfléchit sincèrement trouve devant lui une vaste étendue de raisons (tant le sentiment de culpabilité est inscrit en nous comme une seconde nature), aux secondes et troisièmes questions, les réponses possibles s’offrent en perspective comme des déserts (même si la seconde question, reconduisant la notion de mérite, c’est-à-dire : de récompense, de sanction, est fondamentalement chrétienne), et plus on avance et moins on voit la fin de sécheresse immense qui nous attend encore, nous guette. C’est la véritable objection, ce me semble, que l’on peut faire à toute pensée du mérite : qu’elle est fondée sur la récompense, la sanction, et donc le châtiment. Alors que je voudrais être libre de toute cette pesanteur, et m’ouvrir sans cesse à l’innocence de ce qui vient. Que vient-il ? Encore plus de fatigue ? Probablement. Mais jusques à quand ? La fin, pas avant. Je voudrais trouver un moyen de faire dérailler l’existence, mais il présuppose que je sois seul au monde, ce qui annule donc la notion même d’existence, de vie, et prouve que de tel moyen, il n’en est point. Il n’y a qu’un Dieu mégalomane (Paul aux Athéniens : en Dieu, nous vivons, nous mouvons, et avons notre être) qui puisse être seul au monde. Tout ce qui existe, tout ce qui vit, est lié à tout ce qui existe, à tout ce qui vit.

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