Dehors, Iroise parallèle, on entend les mouettes crier. On a beau dire qu’il fait chaud pour la saison, moi, j’ai froid. Qu’y puis-je ? Et, lis-je par ailleurs, la température va encore chuter de dix degrés, la semaine prochaine. Je me suis absenté quelques instants. J’étais réellement ailleurs. Peut-être, Iroise parallèle, n’ai-je entendu les mouettes crier qu’en esprit, peut-être, les ai-je inventées, mais les mains froides, et la tête que je rentre dans les épaules, et le besoin de ramener le vêtement sur mon cou pour le réchauffer, les ai-je inventés, eux aussi ? Pourtant, même moi, je le sens, qu’il ne fait pas si froid que cela. Ce matin, je suis sorti courir en tshirt, et je n’ai pas eu à me plaindre. Il faut dire que, à mon humble mesure, j’ai couru vite. La cause ? L’inversion de la routine, probablement : au lieu de faire mes exercices de gainage après être allé courir, j’ai fait deux fois vingt pompes, des étirements et autres mouvements répétitifs à intensité modérée, avant d’aller courir. D’où, l’impression de chaleur, j’imagine. Comme j’imagine les cris des mouettes que j’ai cru entendre. Mais le bruit des réacteurs des avions dans le ciel, est-ce que je les imagine, eux aussi ? Et toutes ces urgences sur la terre, est-ce que je les imagine, elles aussi ? Je frotte une main contre l’autre, et puis la main droite contre le bras gauche et la main gauche contre le bras droit, mais je ne me sens pas réchauffé pour autant, non. Est-il intérieur, alors ? Mais quoi ? Eh bien, froid. Je ne crois pas. Ce matin, dans la pénombre à demi, j’ai commencé un nouveau chapitre de mon catalogue des profondeurs. Il y a longtemps que j’y songeais — j’avais même imprimé les pages d’un texte dont je voulais m’inspirer pour l’écrire, il y a des mois de cela, déjà — sans trouver comment l’accrocher au reste. Il est possible, d’une certaine façon, qu’il n’ait jamais été nécessaire d’accrocher ce début de chapitre au reste, que tout tienne debout, ensemble, tout seul, mais je ne le crois pas, en tout cas, je ressentais le besoin d’une articulation qui ne soit pas une cheville, grossière, ou artificielle, du moins, mais naturelle, comme un ligament, au risque de rompre, justement, c’est ce qui est intéressant, si l’articulation est artificielle, elle tiendra quoi qu’il arrive, c’est pour cela qu’elle aura été installée ici, précisément, tandis que, si elle est naturelle, il est possible qu’elle casse, oui, mais sa rupture signifiera quelque chose. Enfin, je crois. Il y a deux semaines que j’ai trouvé comment commencer ce chapitre et, si je ne l’ai écrit qu’aujourd’hui, c’est parce que j’avais d’autres idées en cours (pour loin de Thèbes) et aussi que je voulais une certaine maturation pour parvenir au naturel dont je viens de parler, si j’avais commencé d’écrire le chapitre au moment où j’en ai eu l’idée, je crois que l’écriture eût semblé trop forcée. Ainsi, parfois, si l’on m’observait, on pourrait avoir l’impression que je ne fais rien, mais ce n’est pas vrai, il y a toujours quelque chose qui a lieu, mais il se peut que cela soit souterrain, moi-même, il m’arrive de l’oublier, d’oublier que je pense, d’oublier que quelque chose mature, d’oublier même ce que je pense, de ne plus rien savoir du tout, et puis, cela s’impose, impérieusement, alors je m’installe à ma table d’écriture, même s’il ne fait pas tout à fait jour encore, et j’écris. Il paraît qu’il va pleuvoir à Daoulas.

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