8.7.17

Les limites de mon humanisme, je les ai atteintes aujourd’hui, quand nous sommes sortis, en fin d’après-midi, Daphné, Nelly et moi. La chaleur étouffante, le bruit de la circulation qui la multiplie par dix, les gens qui semblent déguisés, perdus, paumés, fous, je ne sais plus, agglutinés qu’ils sont dans les rues, dans les jardins, manie grégaire de s’amasser. D’où vient le plaisir qu’elle procure ? Comment se fait-il que tout le monde ne le ressente pas ? Ceux qui l’ignorent sont-ils des anomalies de l’espèce ? Et les artères soldées noires de monde, leur atmosphère irrespirable, l’admiration négative que suscite l’absence de signification quand tu ne comprends même plus ce que font tous ces êtres qui n’errent pas non, qui foncent, tracent, sillonnent, droit au produit, droit à l’événement, droit devant. (Mais que font-ils là ? que font-ils là ?) Femme vache du nord un anneau dans le nez. Homme souche qui fume assis les yeux rivés sur son téléphone. Enfant clochard qui porte un tee-shirt Stanislas Paris VIe — énième ironie d’une époque avec laquelle tout le monde veut tellement être en prise. Mais l’époque, c’est cela, surtout, et moi, je ne la vois que trop. Alors, enfin, quand tu crois être sauvé du monde, de la masse, de l’époque, quand tu pousses la porte qui ouvre sur la cour intérieure, tu assistes impuissant au spectacle terrifiant de l’arbre qui est tombé, déraciné, mutilé, déchirant l’espace qui te protégeait un peu du reste, de l’au-delà, à commencer par ton vis-à-vis.
— Paris, capitale de la fin du monde.

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