17.4.21

Je relis cette phrase que j’ai écrite hier dans mon carnet au bison rouge, cette phrase que je croyais définitive, mais qu’à présent, la relisant, je trouve stupide et insipide. Je ne la rature pas. Je la laisse en place. Peut-être que, si je la relis un jour, je la trouverai profonde. Peut-être que je ne la lirai plus jamais. On ne peut pas tout effacer. Même une pensée échouée dans un carnet est un acte révolutionnaire. En un sens, oui, et en un autre, c’est vain, comme tous ces mots qu’on a usés à force de s’en servir et qui ne veulent plus rien dire du tout. Je reviens une page en arrière dans le carnet et retrouve cette phrase que j’avais écrite la veille, en regardant les Histoire(s) du cinéma de Godard. La voici, elle qui me parle encore, telle qu’elle se trouve manuscrite : Comme Wittgenstein voulait ramener les mots de leur usage métaphysique à leur usage ordinaire, il faudrait ramener les mots de l’excès d’usage où ils sont tombés à une juste pauvreté où ils pourraient de nouveau vouloir dire quelque chose. Est-ce que le monde est parfait et que l’on tient la perfection en une telle haine qu’on s’acharne à la souiller ? On, ce serait l’espèce humaine, par exemple. Mais c’est faux, ce n’est jamais l’espèce humaine, comme s’il y avait une ligne de code dans nos gènes qui nous prédisposaient aux saccages, c’est une infime fraction de la population qui commande aux autres. S’abîmer devant la télévision, se dégrader, se détruire devant cette immonde comédie. Paroles de moraliste. Il a plu une grande partie de la matinée. Il fait gris. J’ai froid. Je m’enveloppe dans une couverture, et voudrais dormir jusqu’au bout de la nuit.