Partout se voient les signes d’un mouvement rétrograde. Mais est-on jamais monté et où ? Dans les arbres, des fruits bizarres, déplacés, bouteilles en plastique, emballages en carton qui débordent des poubelles et tombent, excroissances visibles d’une plante toxique, ou sont simplement jetés à terre, sans autre forme de procès, sans attention à rien, ni à ce qui précède, ni à ce qui après vient ; — preuve peut-être que plus personne n’a le sentiment d’être chez lui nulle part. Dans l’air, des vapeurs lourdes et omniprésentes, parfums d’un monde pesant qu’une infime et invisible minorité seule supporte parce qu’il ne profite qu’à elle. Je déambule un peu, perd mon chemin en bas de chez moi, et puis élis un banc de béton où je m’assois. En face de moi, les traces de l’année d’avant, des slogans qui traduisent la haine et la rancœur. Aujourd’hui, qu’est-ce qui a changé ? Au-dessus le ciel est bleu pourtant, tant qu’aveuglant. Derrière mon dos, je sens la présence d’une vie animale, discrète, je me retourne, regarde quelques instants ce petit mammifère occupé à ronger une branche, et me demande : faut-il devenir minuscule pour échapper à l’horreur du monde ? Mais faut-il seulement tenter d’y échapper ? Tout autour de moi, des symptômes, et nous sommes tous malades. Fatigue, je crois. Dont ne me sauve pas la lumière. Dans mon carnet, ou sur des feuilles de papier qui traînent sur le bureau (je ne les ôte pas : je les destine à cet usage), je compose des phrases, me les répète plusieurs fois, en invente d’autres qu’elles appellent. Je ne résiste pas, je me fais poreux, me laisse transpercer, traverser de part en part, je ne renonce pas, non, je deviens l’univers.

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