six décembre deux mille vingt-trois

Jour calme avec l’enfant malade : délivré de la contrainte des horaires, le temps change de grain. J’écris une histoire pendant qu’elle dort. Réveillée, elle vient m’interrompre. Je m’occupe d’elle. Puis reviens à mon histoire, l’achève. Il y a un an, à une semaine près, je l’ai consigné par écrit, le treize décembre deux mille vingt-deux, exactement même si alors, non plus, je ne l’écrivais pas comme cela, ce sont les mêmes scènes, sans doute, qui ont dû avoir lieu. Et aujourd’hui comme alors, j’ai pensé : pas de jour enfant malade pour le pauvre écrivain que je suis. Mais aujourd’hui, je ne pense pas que je sois un écrivain raté, peut-être est-ce vrai, peut-être ne l’est-ce pas, je ne le sais pas, je n’y pense pas, cela ne me concerne pas, mais un autre que moi. J’écris un conte pour ce livre de contes que j’avais commencé il y a un certain temps déjà — combien de temps ? je l’ignore, aujourd’hui, le temps ne compte pas, le temps ne se compte pas — et que j’avais presque oublié. Mais tout est clair, en réalité, à quelques détails près, qui tiennent aux idées que j’avais alors et que je n’ai plus, mais tout peut s’assembler, ce n’est pas un récit linéaire, plutôt une constellation de narrations qui ne doivent pas se développer selon la logique de l’arbre, mais selon la logique du pullulement des prises de parole, non selon un ordre temporel avec un début, un milieu et une fin, mais selon un ordre onirique. À la question : « Un univers fictif doit-il être cohérent (exclure toute contradiction) ? », on est enclin à répondre par l’affirmative, pour copier le monde réel, mais nos récits, nos croyances, nos désirs, nos vies, et même, au sein de toutes les vies, notre vie personnelle, tout n’est-il pas contradictoire ? Notre vie n’est-elle pas en contradiction avec elle-même ? Il y un an moins une semaine, je pensais cela qui, aujourd’hui m’est étranger. Voilà la vie. L’ensemble de ces contes n’est pas une fiction de fiction, comme on imaginerait une sorte de métalittérature théorique. Ce n’est pas cela, non, c’est simplement que l’histoire racontée ne veut pas obéir à l’idée qu’on se fait des histoires, avec des personnages caractérisés, des aventures précises, un plan bien établi. Un peu plus tard dans la journée, j’ai lancé une recherche dans mon journal pour répertorier tous les rêves que j’y ai relatés. Dans quel but ? Celui probablement vain de constituer un recueil de ces histoires automatiques que sont mes rêves, dans un sens qui soit totalement étranger à l’auto-analyse, qui soit plutôt comme le répertoire de mes fictions spontanées, de mes fictions naturelles, de ma vie  hors du temps, dans la nuit onirique.