15.4.17

15.4.17 Ermenonville

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À Ermenonville, là où Jean-Jacques Rousseau est décédé, dans le parc qui porte désormais son nom, s’élève un temple de la philosophie moderne. Le parc lui-même date de 1765, mais le temple en question semble anticiper ce dont parlera 202 ans plus tard Robert Smithson, dans un texte qui est aussi l’œuvre d’un promeneur (« A Tour of the Monuments of Passaic, New Jersey »), dans lequel il inventera l’idée de ruines à l’envers. Le promeneur distrait (je veux bien sûr parler de moi) s’imagine qu’il a affaire avec ce temple à quelque composition romantique, figurant le déclin lors même de l’édification. Or, il n’en est rien. La ruine du temple en signifie l’inachèvement, le progrès à venir : la philosophie n’est pas encore achevée, tout est encore à construire, comme le temple qui n’est pas complet, mais attend de l’être. Smithson, 202 ans plus tard donc, lorsqu’il invente son idée de ruins in reverse, se promène dans le « panorama zéro » de Passaic. Et voici ce qu’il y voit :

That zero panorama seemed to contain ruins in reverse, that is — all the new construction that would eventually be built. This is the opposite of the “romantic ruin” because the buildings don’t fall into ruin after they are built but rather rise into ruin before they are built. This anti-romantic mise-en-scène suggests the discredited idea of time and many other “out of date” things.

Le marquis de Girardin, le concepteur du jardin, ne se doutait certes pas de ce qu’il faisait en construisant ses ruines à l’envers ; il n’imaginait pas qu’il se débarrassait du concept de temps par là-même, il pensait au progrès, mais les ruines ne peuvent pas symboliser le progrès, elles n’ont pas d’avenir, elles restent toujours ruines, éternellement pour ainsi dire, enfin, aussi longtemps qu’elles durent. Les ruines ne sauraient en aucun cas symboliser le progrès, non, elles sont l’avenir, elles épuisent l’avenir qui dès lors cesse d’exister puisqu’il existe déjà, ici même, à l’état de ruines. Rien ne s’effondre dans toutes ces ruines à l’envers, c’est ainsi qu’elles se fondent.