1.12.17

Courbes et boucle. — À mesure que la représentation politique décroît, et le désir de représentation avec chaque appel à faire barrage, voter contre, voter utile, le désir de représentation sociale augmente. Or, ce sont deux relations différentes. La représentation politique n’est pas une fin en soi, ce n’est d’ailleurs à proprement parler une relation de représentation, elle ne représente qu’en tant qu’elle a pour fonction de répliquer dans une assemblée la même répartition politique que l’on trouve au sein d’une population. En revanche, la représentation sociale est une fin en soi, elle défie systématiquement la généralité en lui opposant un : Mais moi, je ne suis pas comme ça. L’individu veut que la généralité soit à son image — ce qui est impossible. Alors, il désire l’inflexion de la généralité ; il veut que la généralité lui ressemble. Ainsi, quand une publicité de prévention contre le SIDA affiche deux lapins qui disent Soyons coquins, soyons malins, il ne fustige pas l’indigence de la publicité, cela ne l’intéresse pas le moins du monde, il s’interroge au second degré (toute pensée de ce type d’individus est en effet au second degré) : Ça veut dire qu’on a pas le droit d’être deux filles ou plusieurs ? La généralité est insupportable parce qu’elle n’est pas à son image. Il réclame le droit d’être comme il est, comme si avoir le droit était une fin en soi. Le paradoxe à présent de cette seconde sorte de relation de représentation, c’est que le mimétisme fonctionne à pleins tubes : les images de soi ne sont pas créées par les individus eux-mêmes, ils les adoptent, ils imitent des modèles (les stars qui font l’opinion mondiale). Et ainsi, en imitant des généralités médiatiques, les individus mimétiques exigent de la généralité sociale qu’elle les imite à son tour. Les courbes se croisent et la boucle est bouclée.