Pourquoi les professionnels de l’indignation ne s’indignent-ils jamais de leur propre connerie indignation ? Il y a bien un moment quand, à force de t’indigner de tout, tu finis par t’indigner de toi-même, au moins parce que c’est tout ce qu’il te reste. Comme ces gens qui voient des névroses partout : ne se demandent-ils jamais quelle est la leur, à eux, de névrose ? Pourquoi est-ce toujours les autres, les coupables, les salauds, les névrosés, les malades ? Ne projettes-tu pas ? C’est vrai que tout le monde peut avoir tort sauf toi, mais quand tout le monde a toujours tort sauf toi, ne crois-tu pas que le problème, ce n’est pas qui a tort et qui a raison, mais comment tu vois le monde, comment tu vois le rôle que tu joues dans le monde ? Comment tu rends publics des maux privés, comment tu fais d’une pathologie individuelle, une épidémie. À trop haïr ce qui est privé, personnel, idiosyncrasique au prétexte qu’il se trouve que parfois c’est nombriliste, narcissique (nous avons parlé de ce mot, au dîner, avec Daphné), est-ce que tu ne donnes pas forme à des maux rigoureusement inverses, qui tous participeraient, je ne sais pas, moi, d’une forme de publicisme schizophrène ? Ce n’est pas donné à tout le monde d’être un hapax, et ça ne se décide même pas. Mais il y a probablement un prix à payer, au risque sinon de confondre l’exemplarité de l’hapax avec la banalité de l’indigné.
Au loin dans la nuit des lumières se déplacent lentement sur l’invisible ligne de l’horizon.

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