3.2.21

Pour qui cherche à comprendre ce qui lui arrive, les phénomènes que nous traversons et les phénomènes qui nous traversent, se perdre n’est pas une option ; — c’est l’unique chemin. Mais comment se perdre sur un chemin unique ? Nous n’avons pas d’autre choix que celui de nous égarer. Le labyrinthe est notre maison. Il faut en sortir. Comme il faut sortir de notre tête, sortir de nos certitudes, aller là où l’espace et le temps s’ouvrent. Ou plutôt : comme nous en venons et que nous finissons toujours par y revenir, il faut être capable d’inventer, à chaque départ et à chaque retour, la bonne méthode pour retrouver notre chemin (dans un sens et dans l’autre, ὁδός). Écoutant Daphné, je l’ai souvent entendu parler d’un temps cyclique (et tout reviendra, dit-elle en substance, dans sa cosmologie spontanée de l’éternel retour — que j’ai consignée pour la première fois le 23.5.20). C’est que la conscience n’est pas linéaire, elle ne va pas d’un point à un autre en ligne droite, s’efforçant d’éviter les obstacles ; elle revient sur ses pas, s’égare. Et c’est ce mouvement que la pensée moderne, croyant bien faire sans doute, mais sacrifiant la richesse de nos détours sur l’autel de la simplicité rectiligne, a nommé reflexivité. Sauf que la conscience ne revient pas tant sur elle-même que sur tout, sur l’ensemble de ce qui est, a eu lieu, aura lieu — le κόσμος (à la fois espace et temps). Chantraine indique ainsi que l’étymologie de λαβύρινθος est souvent rapprochée de λάβρυς, nom lydien de la hache, ce qui signifierait que le labyrinthe est la maison de la double hache, c’est-à-dire : le palais crétois. Le labyrinthe ne serait donc pas d’abord un endroit où l’on va se perdre, mais un endroit où l’on vit, que l’on habite. D’où l’on peut dire que le labyrinthe est la forme que prend notre habitacle (son architecture) quand nous essayons de savoir où nous sommes, ce que nous faisons ici, et pourquoi, et où nous allons.