9.4.21

Crise de conscience en forme de prise de conscience. Ou alors cri de la conscience en forme de mépris de la conscience pour elle-même. Comment faire la différence ? Moi, je ne sais pas. Bref. Dans la voiture, hier, allant chercher Daphné chez son grand-père mon père, un phénomène semblable à celui que je viens de décrire en quelques morts mots s’est produit. (Nota bene : rayé, le lapsus qui vient de me frapper.) Et j’étais là, sur cette bretelle d’autoroute, seul dans cet habitacle, entouré de centaines d’imbéciles, comme moi, dans leurs habitacles, à me demander comment il se faisait que j’avais raté ma vie. (Moins pourquoi moi ? que quelle est la cause de cet état de choses ?) Mais est-ce que j’ai raté ma vie, me demandai-je au beau milieu de ma crise de conscience ? Pour partie, oui. Et pour l’autre ? Et pour l’autre, non. Échec de l’existence à tel point donc que la conscience même de cet échec se révèle être un échec : les choses ne sont pas si tristes qu’elles semblent pourtant l’être quand on commence à s’apitoyer sur son être. Ou son néant. Sur mon séant, dans l’habitacle insensé de ce véhicule lancé à trop vive allure, défilait non le paysage, mais le souvenir de mes échecs, et la certitude de leur durée. Aussi, une fois rentré à l’appartement, me mis-je à écrire. Je n’ai aucune envie de travailler (traduire, relire les épreuves, chercher un métier sinon plus digne, du moins plus lucratif que l’occupation qui me tient lieu de vocation), mais je désire écrire. Dizaines de phrases dans un carnet neuf. Dizaines de vers dans le poème en cours de fuite (ruissellements livre gamma). Me disais-je ce faisant quitte à rater ma vie autant la rater jusques au bout ? Pas le moins du monde. Suis-je un fou ? Un imbécile ? J’ai répondu ci-dessus à cette dernière question. Abrégeons. Ce midi, artichauts à la barigoule. Tant qu’à n’être bon à rien, autant servir à quelque chose, et cuisiner pour ma meilleure moitié. Pour le dîner, un bœuf en daube, comme dirait Virginie Laloouve, aux prononcés accents italiens. Dieu merci (Diable pourquoi Lui ?), on ne se refait pas toujours.