30.4.21

Couru 10 kilomètres (ce qui porte à 45 le nombre de parcourus cette semaine) dans une sorte de vide absolu. Perturbé tout juste par quelques vieux à vélo qui, la dépassant, s’adressent ricanant entre eux des commentaires salaces sur les fesses d’une coureuse. La bêtise ordinaire. D’autant plus effrayante qu’elle émane de ravans bedonnants et ridicules. L’un deux, notamment, que je croise régulièrement, et qui tourne en rond sans que je sois en mesure de constater le moindre effet de ses efforts sur sa grotesque physionomie, bandeau dans de cheveux rares et blancs, qu’il s’obstine à porter longs malgré l’apparente nécessité du contraire, maillot de cycliste aux couleurs du vainqueur des championnats du monde enfilé sur un ventre aussi rond que les roues qui le portent à grand peine. Ravan, me dis-je soudain, n’est pas un mot français, mais du dialecte marseillais, qui désigne un vieil objet, en mauvais état. Ces gens : tout ce que l’on ferait mieux d’oublier, de mettre au rebut. Mais non, la bêtise est invincible. Ce n’est pas ce que je me dis courant, courant je ne me dis rien, je cours. Et cet état de vide me procure un grand bien-être. Si superficielle soit-elle, cette sensation, n’est-ce pas elle qui nous permet de survivre ? Possible, me dis-je, à condition de ne pas la considérer comme une fin en soi, le fait de ne pas avoir de sensations négatives ne signifiant pas que l’objet de nos sensations — le monde — ne tend pas vers le néant. Un néant grossier, dépourvu de toute dimension spectaculaire, un néant inintéressant, mais un néant réel. Remettant un ouvrage sur le métier de mon esprit, je me demande : cette fois, le mènerais-je à bien ? Et ne connais pas la réponse.