Dans le fragment de rêve qui aura survécu au jour, je m’asseyais à la table d’un café ou d’une sorte de cafétéria avec Jean-Pierre Cometti et deux ou trois autres personnes qui me sont inconnues et me l’étaient peut-être aussi dans le rêve. Quand la serveuse vint prendre notre commande, elle nous proposa des fleurs, des jacinthes, je crois, ce à quoi Jean-Pierre Cometti répondit : « Moi, je sais quelles fleurs sont mes préférées », mais sans que cette affirmation implique que les jacinthes n’étaient pas ses fleurs préférées, ni qu’elles l’étaient non plus, un peu comme on dit, plutôt, « Moi, je sais déjà ce que je vais commander » alors que tout le monde est encore en train de consulter la carte. Quant à moi, je me demandais quelles pouvaient bien être les fleurs préférées de Jean-Pierre Cometti et, demandais-je ou non à la serveuse si elle en avait ? je ne m’en souviens pas, je me disais que les fleurs préférées de Nelly étaient les pivoines. Après m’être dit que je ne travaillerai pas aujourd’hui, j’ai travaillé (bien) toute la matinée, sans joie mais sans agacement non plus. Dans une indifférence pas tout à fait totale, mais quasi. Comme on ne devrait jamais travailler, mais comme on est bien obligé de travailler toutefois. Hier, avant de m’endormir, j’ai repensé à cette distinction que j’avais faite entre survivre et vivre, distinction qui, soudain, m’a paru d’une absurdité complète. Comme si jamais nous faisions autre chose que survivre, comme si la vie ne se dissolvait pas dans la survie. N’est-ce pas sur une illusion de ce genre (la distinction entre survivre et vivre) que l’on fonde les cultes, les dogmes, les religions, les croyances : une vie tout autre nous attend si nous respectons un certain nombre de préceptes dont on nous présente la liste ? Tout ce qui compte, c’est de tenir un jour de plus pour accomplir ce que je désire accomplir, comment en aurais-je la force autrement ? Mais je n’ai rien à accomplir. Faux. Il faut simplement l’accomplir. Quelque chose est en train de se transformer. Ai-je raison de tenir un tel propos ? Si, finalement, les choses s’avéraient ne pas avoir été transformées comme je l’entendais, ne regretterais-je pas une telle affirmation ? Pourquoi ? « À 43 ans, je décidai de changer de vie » : je voudrais que ce soit la première phrase d’un immense livre et, dans le même mouvement, je trouve que c’est une mauvaise façon de commencer. Mais peut-être que je ne dois pas chercher comment commencer, peut-être que je dois simplement commencer.

Vous devez être connecté pour poster un commentaire.