26.5.21

Relu pour la éneplusunième fois la vie sociale, et comme je ne sais pas si c’est génial, si c’est médiocre ou si c’est nul, je me contente de retouches cosmétiques, sans grands remaniements. Si je me lançais dans de grands remaniements, me dis-je, il vaudrait mieux écrire un autre livre plutôt que de m’entêter sur celui-ci comme s’il était indépassable en soi. Mais je n’ai pas d’idées pour un autre livre. Est-ce que j’ai des idées tout court ? Difficile de répondre à la question, et pas sûr que ce soit bien utile. De fait, je passe mon temps à relire en ce moment, ce qui n’est pas l’activité la plus épanouissante. Sauf le rouge et le noir, auquel je prends un plaisir juvénile des plus stimulants. Juvénile, il ne faut pas prendre le mot en mauvaise part, au contraire, c’est un compliment : je me sens vivre dans ce roman, la posture de Stendhal étant plus proche de la mienne que mes souvenirs, mes idées préconçues ne me le pouvaient laisser supposer, et je peste après Julien quand, dans les pages que j’ai lues hier soir, à la fin de la première partie, il s’attarde chez Madame de Rênal alors que son destin est un ailleurs. Juvénile, c’est le mot qui convient. Un grand besoin d’émotions et d’intelligence, mais pas besoin d’alcool, du tout, ou mieux : besoin de ne pas boire. Y a-t-il vraiment une autre façon de résoudre les problèmes que par leur suppression, leur destruction pure et simple ? Une thérapie nihiliste, en quelque sorte, un peu plus radicale peut-être que celle que pratiquait Wittgenstein, mais pas tant que cela. M’y suis-je pris autrement pour arrêter de fumer ? Un beau matin, je ne fumais plus. Tous les problèmes disparurent en même temps que cette décision, ce geste, cette annulation ; il n’y a pas d’autre façon de s’y prendre que la destruction (la déconstruction, par opposition, est un procédé littéraire sans nulle portée éthique, c’est un pur jeu de normaliens pur jus). Pourquoi ne trouverais-je pas pour chaque problème le moyen de le détruire, d’en finir une bonne fois pour toutes avec lui, non pas le résolvant, ce qui reviendrait à le laisser subsister à l’état de problème qui a reçu une réponse (alors qu’il n’y a jamais de réponse définitive), mais en le réduisant à néant ? Une fois qu’il n’y a plus rien, plus rien ne se pose, tout est ouvert comme le vaste ciel au-dessus de nous, qui nous appelle.