A bunch of buildings, dit l’Américaine qui désigne par ces mots choisis le hameau de la Reine. Réduction ad nihilo de l’histoire (si kitsch et ridicule soit-elle, là n’est pas la question) sous les dépenses du héros de notre temps : le touriste. Nous sommes colonisés par un peuple de demeurés qui nous asservissent sous le joug de leur esthétique grégaire et étriquée, l’inclusivité et la diversité — le souverain bien de notre temps — se faisant au prix d’une normalisation totale du monde par le plus petit dénominateur commun : l’argent. Ce sont ainsi des nations entières qui livrent leur patrimoine à la consommation ignorante, tout se justifiant au nom de la rentabilité. Rien ne doit échapper à cette esthétique mortifère. Surtout pas la chapelle royale qui devient le lieu d’un hommage à feu l’Artiste, où d’envahissants haut-parleurs diffusent la voix monocorde et les tops de l’horloge parlante. Soit une installation de Christian Boltanski qui y aurait vu, dit-il quelque part, l’image de Dieu. C’est qu’il ne suffit pas d’humilier, comme je me le faisais remarquer hier, il ne suffit pas, non, il faut aller plus loin encore et affubler cette humiliation d’un sens qui, par le fait même de son inanité, devient une insulte, un glaviot craché à la face du sacré. Inaudible farce, l’horloge parlante ne fait qu’ajouter du bruit au bruit, interdisant a priori toute expérience possible (esthétique, religieuse, mystique, que sais-je ?). L’art ne se distingue plus de ce qu’il est devenu : du tourisme de masse. Maintenant que les petits ont pris le pouvoir, il leur faut encore, pour l’affirmer, pour l’assoir, ce pouvoir usurpé, eux qui n’ont ni force ni vitalité, rabaisser au plus bas, au plus terre-à-terre, au plus insupportable tout ce qu’il y a bien pu y avoir de grand en ce monde, et offenser la puissance en interdisant son accès. Qui pénètre ainsi dans la chapelle royale, ou bien est déjà perdu pour l’esthétique ou bien sera empêché de sentir par lui-même : on lui impose une expérience qui n’est pas la sienne, qui parasite celle qu’il pourrait faire si on le laissait libre d’observer. Or la liberté doit être interdite car, dans l’expérience esthétique, elle se confond avec la puissance, la vitalité, lesquelles n’ont rien à voir avec le pouvoir, lui sont même tout à fait étrangères. Vitalité, puissance, énergie, liberté : sous les dehors libertaires d’une permission duchampienne mal comprise, tels sont les ennemis à abattre. Et imposer à la place des associations d’idées hasardeuses et vulgaires : l’horloge parlante, le temps, Dieu. Ou encore, un peu plus loin, au hameau de la reine, justement, cet autre artiste qui pose une pomme en plastique dorée, comme un chien son étron, comme Françoise son jambon, et l’intitule Pomme de New-York. Les Béotiens ont pris le pouvoir et ils ne le rendront jamais, à moins qu’on le leur reprenne par la force.

Vous devez être connecté pour poster un commentaire.