1.9.22

Rentrée. Sensation de vide. N’en va-t-il pas toujours ainsi ? Tu crois attendre quelque chose et puis quand ce « quelque chose » arrive enfin, rien, voire moins que. Mais pas pour Daphné, qui semble enthousiaste, fidèle à elle-même, elle va parler aux gens, aux enfants, aux parents, en attendant l’ouverture du portail. J’envie cette vitalité, moi qui me fais l’impression d’être déjà trop vieux, plus bon à rien, sans la moindre idée. Le dernier projet que j’ai proposé à un éditeur n’a suscité aucune réaction de sa part, même pas négative, même pas de rejet, simplement rien ; je me demande pourquoi j’accepte d’être traité comme cela, comme ce relevé de compte dérisoire que j’ai reçu hier, ou ce matin ? je ne sais plus, mais tout le monde n’est-il pas traité comme cela ? Tout le monde, j’entends : l’immense majorité de la population. Pourquoi échapperais-je à la règle, moi ? Qu’est-ce que j’ai de plus que les autres, moi ? Souviens-toi de ton sentiment, hier, devant les esclaves de luxe : je ne veux pas vivre comme ça. Mais alors comment ? Comme je le fais, quel sens cela a-t-il ? Après avoir conduit Daphné à l’école, je vais courir. Après être allé courir, je vais marcher. Si je ne suis pas en mouvement, j’ai l’impression que je vais prendre racine, mais le paradoxe, c’est que marcher ne donne rien, ne déclenche rien, je suis toujours aussi pauvre, j’ai toujours aussi peu d’idées. Est-ce un paradoxe ? Tout à l’heure, après être rentré à l’appartement, je me suis dit qu’il fallait que j’arrête, que je fasse autre chose, je me suis dit que le fait qu’il me semblait que je n’avais rien à écrire aujourd’hui était le signe qu’il fallait que j’arrête d’écrire pour faire autre chose. Mais quoi ? Je n’en sais rien. Pas la moindre idée. En même temps, je ne cherche pas quelque chose d’autre à faire. Je me contente de ce que je fais qui ne me contente pas. N’est-ce pas tout simplement que personne ne s’intéresse à ce que je fais ? Oui, sans doute, mais c’est aussi que je ne fais rien, que je ne sers à rien, que tout est nul, que je suis nul. On ne devrait pas connaître ce genre de sentiments, mais peut-on faire autrement ? J’en ai assez du soleil. Je veux qu’il pleuve. Et bien sûr, il ne pleut pas.