5.6.18

Je ne sais rien de plus dépersonnalisant que monter un meuble Ikea. Suivre comme un esclave un plan de montage analphabète, pictogrammes insultants pour des étagères destinées à accueillir des livres, de beaux livres, comme on dit, et se laisser aller à la sueur de son corps qui coule cependant que les doigts rougissent. Endolorissent. L’air de rendre le monde meilleur car plus beau, Ikea relègue l’humain moyen — celui qui a le malheur de n’être ni entrepreneur ni designer — au rang de chair à monter. Quoi d’étonnant dès lors que l’avenir de l’humanité soit écrit par des robots ? Qui mieux qu’une machine sans failles, qui jamais ne déraille, n’achève à coups de pied une planche de bois, ni n’insulte la terre entière que son triste sort indiffère, qui mieux qu’une machine qui télécharge le plan et l’exécute à l’absence de lettre, pour monter des meubles ? Chaque famille pourra disposer d’un robot domestique qui effectuera les tâches qu’un père dévirilisé, par défaut de testostérone, n’a plus les couilles de réaliser à la sueur de son front. Chacun pourra ainsi vaquer à ses nobles, dégenrées et égalitaires occupations cependant que la charge esthétique du foyer se verra assumée par une machine impeccable. Sans plus d’âme que de sexe. Le pur enfant de Dieu. Et si un jour, rentrant à la maison, la famille humaine devait s’apercevoir qu’une autre, semblable à elle, apparemment, mais en vérité bien plus parfaite, a pris sa place, qui en porterait la responsabilité : l’homme, la machine ou Ikea ?

L’histoire ne s’achèvera pas forcément par le bout que l’on croit.

Peu dormi, en tout cas pas assez. Peu traduit, en tout cas pas assez. Couru, le minimum qu’il fallait. Bien. Soleil voilé. Toujours. Moins bien.

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