Après passage éclair dans le jardin bondé de gamins surexcités et de vieilles dames masquées, retour à la maison. Je relis le poème que j’ai écrit hier, le copie, modifiant ce qui doit l’être, laissant le reste intact, et puis je relis les phrases notées avant d’aller me coucher, où il est question d’une tension. Normalement, me dis-je les relisant, ces phrases, normalement, j’ai tendance à penser qu’il faut résoudre les tensions, mais le peut-on toujours ? Le faut-il toujours ? Probablement pas. Je lis : « Finitude radicale — Puissance infinie. En tant que je suis mortel, je suis fini et donc radicalement limité (la finitude est à la racine de mon existence en tant qu’elle prendra fin tôt ou tard). Et pourtant, je dispose d’une puissance infinie d’invention, dans le langage notamment, sans limites, où un nombre fini de signes, et petit, me permettent de former une infinité de propositions, et signifiantes. » Je reçois une notification m’informant que j’ai publié tous les jours depuis quarante jours. Ce qui est vrai, mais inférieur à la réalité de l’écriture. Depuis quand n’ai-je pas passé une journée sans écrire ? Je ne sais pas. Je n’ai pas compté, et il n’y a pas de notifications automatisées pour me dire depuis combien de jours je n’ai pas passé un jour sans écrire. Je ne trouve rien de plus stupide que l’impératif « nulla dies sine linea » parce qu’il est un impératif, qu’il fait peser une sorte d’obligation morale sur ce qui devrait être l’exercice de ma liberté pure, parce qu’il fait de l’écriture une habitude, un métier, une tâche bourgeoise c’est-à-dire, on écrit pour passer le temps ou gagner sa vie par pour comprendre le temps qui passe et inventer la vie. Mais enfin, ce n’est pas de cela que je voulais parler. J’écris. Je me garderais bien de ranger cette activité sous l’autorité d’une quelconque maxime. J’écris, probablement parce que cela, malgré tous les problèmes que cela pose, me rend moins malheureux.
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