Est-ce qu’après avoir écrit un poème, un poème de plus, le monde est meilleur ? Ou est-il inchangé ? Mais il n’est pas inchangé, il contient au moins quelque chose de plus, ce poème qui, avant d’être écrit, n’existait pas, dont je n’avais même pas eu l’idée. Est-ce à dire, si le monde n’est pas changé, mais simplement augmenté, que les poèmes ne servent à rien ? Suis-je meilleur moi, après avoir écrit un poème de plus ? Mais pourquoi vouloir rendre le monde meilleur ? Le monde mérite-t-il de devenir meilleur ou de se perdre dans le délire bavard et obèse où il s’est engagé ? Le monde, je ne sais pas, mais moi, je veux devenir meilleur. Est-ce que tout le monde veut devenir meilleur ? Ou est-ce qu’on confond toujours devenir meilleur avec autre chose : devenir plus riche, devenir plus musclé, devenir plus sexy ? Écrire un poème, c’est devenir meilleur. Je tourne en rond. Ou alors, non. Est-ce que chaque poème me rend meilleur ? Est-ce qu’un mauvais poème me rend meilleur ? Un bon poème ne me rend pas bon. Mais je ne veux pas être bon, je veux devenir meilleur. Quelle est la différence entre être bon et devenir meilleur ? Si j’étais bon, est-ce que je voudrais devenir meilleur ou est-ce que je me contenterais d’être bon ? Je ne veux pas me contenter, pas plus que je ne veux me contenter de quelque chose. Je ne veux pas être content. Je veux écrire des poèmes. Je veux écrire des phrases qui me rendent meilleur. Si je n’écris pas, je meurs. Je n’ai plus de raison d’être. Cette idée est à la fois très belle et effrayante. Et je ne sais pas ce qu’elle est le plus. Peut-être est-elle simplement les deux, simultanément, et il est impossible de séparer l’un de l’autre ces deux aspects de l’idée. On ne peut pas couper les choses en deux pour voir comment elles sont faites. Quand on le fait, on ne voit jamais que des moitiés des choses, on ne voit jamais que la façon dont une moitié de la chose est faite. Pas la chose. Pourtant, si j’essaie d’appréhender la totalité de l’existence d’un bloc, n’ai-je pas l’impression de me trouver face à une tâche immense, bien trop grande pour moi. Mais de quoi parle un poème ? D’un aspect de l’existence. Oui, sans doute. Et de la totalité de l’existence. Je parle d’un poème parce que j’en écris de nouveau depuis que je recommence à écrire dans mon carnet, mais je pourrais parler d’aphorismes, tout aussi bien. Ou d’autres choses encore, de pièces musicales, de tableaux, si je composais, si je peignais. Il faut voir la partie du tout et le tout dans la partie.
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